Je regagne le palais dans un état second, traînant les pieds comme si toute la souffrance des humains pesait sur moi. Dès que je franchis le seuil, je manque de m'effondrer. Je me demande si leurs âmes ont repris des forces en puisant dans les miennes.
A moins que ma fatigue ne soit liée aux images qui m'assaillent depuis. Au sentiment d'impuissance qui me retourne le ventre.
- Où étais-tu passée? m'interpelle Hadès.
Il se tient à l'entrée d'une bibliothèque, auréolé par la lueur du feu et son habituel nuage de fumée noire.
- Ça m'étonnerait que Styx t'ait accaparée si longtemps.
Le soupir qu'il a lâché avant de parler me rappelle le soulagement de Mère quand je rentrais à la maison. Que craignait-il que ie fasse? Quelles infractions imaginaire va-t-il me reprocher?
- Je ne suis pas d'humeur, je réplique.
Tout ce que je veux, c'est me réfugier dans ma chambre jusqu'à ce que les battements de mon cœur s'apaisent.
- Pas d'humeur à quoi?
- A te faire la conversation.
- Une conversation impliquerait que tu sois capable d'aligner plus de trois mots.
Toujours ce petit air supérieur, alors que je sais maintenant ce qui se passe dans son royaume...ça me met hors de moi.
- Un de mes sujets m'a accusé de t'avoir enlevée et est venue m'engueuler pour te prendre avec elle après, Coré. La moindre des choses serait qu'on en parle. Tu me dois bien ça.
Dès que je ferme les yeux, je revois tour ce sang.
- Je ne te dois rien du tout! Et je refuse d'entrer dans ta petite danse, celle où tu te comporte comme un connard et où je fais semblant de m'en moquer.
Je regrette aussitôt mes paroles. Hadès éclate d'un rire inquiétant.
- Effec, tu n'es pas d'humeur, confirme-t-il en me devisageant.
Tous mes muscles de mon corps se contractent. Combien d'âme terrifiée y a t'il dans ce royaume? Combien souffre en ce moment même? Combien d'humains arpentent la Terre en subissant des malheurs qu'ils seront obliger de côtoyer pour l'éternité.
- Styx t'a dit quelque chose? m'interroge Hadès.
- Non, rien.
- Où étais-tu?
- Bonne nuit.
- Tu es allée voir les morts!
Durant une seconde, il semble être ravie d'avoir deviné. Puis son visage s'assombrit.
- Je te l'avais pourtant déconseillé. Regarde dans quel état ça t'a mise! Je savais que ça arriverait. Pourquoi y être allée alors que je...
- Lâcher moi un peu! Je me contrefiche de ton avis.
- Tu as tort. Tu ne serais pas aussi mal si tu m'avais écouté.
- Je vais très bien.
- Arrêt. C'était quoi? un paysan affamé? Un enfant assassiner?
Alors que plus ne devrais me surprendre de sa part, je reste bouche bée. Je m'étais préparée à l'indifférence, pas à la cruauté.
- Qu'est ce qui ne tourne pas rond chez toi? Comment peux-tu évoquer tranquillement des horreurs pareils?
- Un enfant donc?
- Va te faire foutre.
J'ai soudain une conscience accrue des quelques mètres qui nous séparent et m'empêchent de lui arracher les yeux.
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• LA REINE DES ENFERS •
Romance『 Même les cœurs en pierre, et les âmes les plus noirs peuvent rêver d'un amour sain...ou presque 』