CHAPITRE • 1

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Quand ils m'ont demandé ce que je voulais, j'ai répondu :

<< le monde >>

-Et que comptes-tu en faire ?
a raillé mon père d'une voix coupante.

Je n'ai pas perçu la menace, jusqu'à ce que ma mère m' agrippe l'épaule pour me mettre en garde, ou pour m'intimider elle aussi?

J'ai dévisagé les dieux un à un, sans comprendre ce que j'avais fait de mal. On m'avais posé une question simple. Ma réponse l'étais tout autant. Pourtant ils me fixaient avec insistance depuis l'ombre des portiques, leurs traits distordus se reflétant sur les colonnes de bronze qui entouraient le mégaron. Je n'avais aucune idée de ce qu'ils voulaient. Quelque' uns jetaient des coups d'œil furtifs à mon père, dont l'expression était aussi sombre et féroce que celle de ses statues.

Tandis que les ongles de ma mère s'enfoncaient dans ma peau, j'ai longuement réfléchi avant de déclarer :

<< je le remplirais de fleurs. >>

Un brief silence a suivi mes paroles. Puis mon père a éclaté de rire. Un rire tonitruant, interminable, qui m'a fait me ratatiner sur ma chaise. Le reste de l'assemblée l'a imité avec une seconde de retard.

J'ai voulu me tourner vers ma mère mais, bien qu'elle ait un peu relâché son étreinte, elle m'a empêchée de bouger.
Elle ne m'avait pas quittée des yeux de la soirée.

<< il faut toujours se mefier des inconnus, mon enfant .>> m'avait-elle dit. Pourtant, c'est dieux n'étaient pas pour elle des inconnus. C'étaient ses frères et sœurs d'armes, si ce n'est de sang. Des gens qu'elle avait fréquentés toute sa vie.

Je n'avais pas pu lui demander davantage de précisions, car l'une de ses expressions favorites était : << ne pose pas de questions, mon enfant. >>

Par chance je ne serais bientôt plus une << enfant >>. Je devais avoir environ huit ans, même s'il est difficile d'en tenir le compte quand on est immortelle d'autant que les dieux étaient en guerre contre les maîtres du temps, qui le déformait à leurs guise.

Quoi qu'il en soit, c'était le jour de mon amphidromie, celui où l'on nomme les enfants. Et celui où, en tant que déesse, je me verrais attribuer un domaine d'expertise, l'aspect du monde dont je serais responsable.

- Fort bien, a déclaré mon père en se levant de son trône. Qu'il en soit ainsi.

Aussitôt les rires se sont éteints. Les autres dieux, en particulier les conseillers assis autour de lui, ont échangé des regards inquiets. Ils se poussaient du coude, chuchotaient entre eux, impatients d'entendre son verdict.

Alors mon père a souri, sans que cela ne soulage en rien la tension ambiante.

- Déesse des fleurs tu seras.

Ma mâchoire s'est décrochée et les doigts de ma mère se sont resserrés comme un étau sur mon épaule. Elle me connaissait par cœur et savait que j'avais envie de hurler de rage. Avoir tant demandé, et recevoir si peu! Tous mes espoirs, toutes mes ambitions s'effondraient. Cependant, j'ai gardé le silence, me contentant de crisper les poings dans le replis de ma robe. Aucune colère ne justifiait de défier le roi des dieux.

- Et je te nomme...Coré.

Les significations de ce mot ont défilé dans ma tête : << pure, belle, vierge, petite fille >>. Apparemment, je ne serais rien d'autre à ses yeux.

• LA REINE DES ENFERS •Où les histoires vivent. Découvrez maintenant