Chapitre 10

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Il y a bien longtemps ...

Point de vue à découvrir

La ville n'avait pas tellement changé depuis qu'il l'avait quittée, il y a 18 ans de cela. Et pourtant, Rome était au cœur de tous les changements que connaissait le monde, il l'avait toujours connue effervescente et grouillante de monde. Ce fut le cas aujourd'hui. Même s'il n'avait pas été dissimulé sous un lourd capuchon gris, il serait probablement passé inaperçu tant la foule était dense. Mais mieux valait rester sur ses gardes, cela ne faisait que 18 ans qu'il avait disparu, les gens qu'il avait un jour aimés étaient encore en vie et foulaient encore les pavés brulants de la cité. L'homme n'avait jamais été un anonyme, et dans sa vie mortelle, il avait porté un nom puissant et connu dans toute la péninsule et encore plus ici, dans la ville qui l'avait vu naître.

Il connaissait le chemin par cœur, chaque ruelle était inscrite dans sa chaire, dans ses os. Et malgré le choix qu'il avait fait, il y a 14 ans de cela, revenir ici lui faisait toujours aussi mal. Terriblement mal. Cette ville avait toujours été son cœur, son sang et son eau, la quitter elle et ses gens avait été un déchirement. Pour la première fois, il regretta pendant une seconde son choix. Alors il se souvenait pourquoi il ne pourrait plus jamais arpenter ces ruelles comme autrefois. L'homme qu'il avait été jadis était mort sur ce champ de bataille, il y a 14 ans. 

Il revivait souvent cette ultime bataille en tant que mortel. Les cris, le fracas des lames qui s'entrechoquaient, l'odeur du sang et des viscères. Il avait pourtant l'habitude de cela, il avait été capitaine d'une légion, la guerre, il connaissait, elle dansait dans ses veines comme chez la plupart des hommes de son rang. Il avait gagné maintes batailles et massacré nombre d'ennemis. Et pourtant, ce jour-là, il avait failli. Il était tombé de son cheval et lui comme l'entièreté de sa légion avait été terrassé par l'ennemi. Il l'avait pourtant vu venir, mais il avait suivi les ordres de Rome, aussi insensées lui avaient-elles semblé. Tout ça parce qu'à l'époque, il rêvait de gloire et de reconnaissance. Il avait emmené ses hommes à la mort. Mais lui... lui qui aurait dû mourir entre tous, n'avait pas réussi à rejoindre l'autre rive. Il était resté là, agonisant, mais vivant. Trop vivant.

Il arrivait enfin à son but. La villa était toujours aussi belle, toujours aussi resplendissante sous le soleil éclatant de Rome, et toujours aussi bien gardée. Mais pas pour lui. Que ce soit hier ou aujourd'hui, rentrer illégalement dans la villa lui était aisé. Le plus discrètement possible, il se dirigea vers l'entrée est, celle qui donnait directement sur le champ d'olivier. Il passa directement par la petite caserne où deux soldats gardaient l'entrée, sans un bruit, il entra, et assomma les gardes qui se trouvaient là avant même qu'il ne puisse le voir. Il ne put s'empêcher d'en être agacé, ils étaient pourtant payés une fortune pour veiller sur la famille qui vivait là. Mais cette pensée était une ancienne pensée, de celle de son ancienne vie. Elle n'avait plus lieu d'être. Les gardes, il le savait, comptaient pourtant parmi les plus aguerris, mais rien ne pouvait l'arrêter.

Dès qu'il entra dans le jardin des oliviers, les embruns lui volèrent aux narines et faillir faire couler les larmes de nostalgie qu'il retenait depuis des années maintenant. Voilà qu'il était à nouveau chez lui, qu'il devait y pénétrer comme un vulgaire voleur alors que toute cette propriété appartenait à sa famille depuis des générations, qu'elle lui appartenait.

Plus maintenant, se sermonna-t-il, tu as fait un choix. Tu n'as plus aucun droit ici.

Ce fameux jour, sur le champ de bataille qui avait vu mourir toutes ces certitudes, un homme drapé de noir était apparu, l'avait soigné, nourri, puis lui avait expliqué qu'il ne mourrait pas. Qu'il ne mourrait jamais. Que toutes ces victoires sur le champ de bataille, toute sa force n'était en rien humaine, qu'il était autre, qu'il était – comme l'homme drapé de noir – un Vessoryia. Un être si intrinsèquement lié à la nature, qu'il pouvait puiser en elle mille et une merveilles. Étonnement, il le crut tout de suite. Les dieux et les demi-dieux existaient bien non ? Pourquoi pas lui ? Il s'était toujours figuré cela, que les Vessoryias étaient en réalité les enfants des dieux. Des demi-dieux au pouvoir exceptionnels. L'homme drapé d'ombre n'avait fait que rire lorsqu'il lui avait fait part de son hypothèse. Il se souvenait bien de sa réponse et de l'échange qui s'en était suivi :

L'Ombre d'Alyia - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant