Chapitre 11

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— Je ne comprends pas ce que je fais là, sifflai-je à Esther.

Nous étions dans une des somptueuses salles de réception du Palais de Justice. J'avais été tellement perdu dans mes spéculations de ce qu'il allait bien pouvoir arriver cet après-midi que je n'avais même pas pris la peine de contempler les lieux. Cette salle en tout cas, était magnifique. Il y avait des dorures et des moulures sur les murs et au plafond, et partout où je posais les yeux, j'avais l'impression de contempler une œuvre d'art. Le Palais de Justice d'avant la prise de pouvoir de Vareck n'était plus. Il y avait été complètement refait depuis, et n'ayant jamais été dans l'ancien, je n'aurais su dire s'il était plus impressionnant qu'avant.

J'aurais aimé être partout sauf ici. Cela m'angoissait de devoir jouer ce rôle en présence des deux parties à qui je mentais. J'allais me retrouver entre deux feux, et je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. Les Faucheurs ne savaient pas vraiment ce qui les attendait, pourtant, ils semblaient détendus, sûrs d'eux, je les détestais pour cela.

Vêtue d'une longue robe noire fourreau – que Vareck m'avait expressément demandé de porter - j'attendais avec les Faucheurs que Vareck et nos hôtes veuillent bien arriver.

Les Faucheurs étaient vêtus de leur costume stupide et effrayant, seule entorse à leur panoplie de parfaits méchants : ils ne portaient pas leur masque ce soir, laissant visible leur visage aux traits parfaits et suintants le danger et la mort. Je savais très bien ce que ce petit tableau devait donner : moi, vêtue d'une somptueuse robe noire funeste, entourée des Faucheurs étincelants d'or. Vareck l'avait fait exprès, le message pour la Résistance était clair : j'étais leur. J'étais sienne.

— Alyia, respire, tu risques de faire une syncope sinon, soupira Esther.

Elle se tenait, droite comme i, près du petit buffet où Dana et Hérihor étaient déjà en train de vider les bouteilles d'alcool. Une partie de moi aurait aimé croire qu'ils buvaient pour contrôler leur angoisse, mais non, je savais très bien qu'ils s'enfilaient verre sur verre tout simplement parce qu'ils s'ennuyaient.

— Je vais bien, répondis-je entre mes dents serrées.

J'entendis Dana glousser.

— Mais bien sûr... susurra Esther.

— Occupez son esprit au lieu d'empirer les choses, suggéra Nilaja qui était adossée contre un mur.

— Oh, s'exclama Dana en sautillant, c'est le moment de lui raconter la fois où on a mis le feu à...

— Merci, Dana, mais on va s'en passer, répondit Esther d'une voix glaciale.

Dana fit une petite moue boudeuse avant d'avaler un petit four préparé pour l'occasion.

— Pose-nous une question, Alyia, proposa à la place Nilaja.

— N'importe laquelle ? fis-je.

— N'exagérons rien, répondit Esther.

— Eh bien, commençai-je, jouant le jeu de Nilaja. Je suppose qu'étant donné que je sais maintenant que vous êtes un peu immortel et un peu vieux, je peux en savoir plus sur votre passé ?

— Ce genre de signe confiance se gagne, répondit Torii.

— Torii, le rabroua Nilaja.

— Qu'est-ce que changerait ? Les gens que vous avez connus dans vos premières vies ne sont plus depuis bien longtemps, à qui est-ce que cela pourrait nuire ? demandai-je.

— Connaitre le passé de quelqu'un, surtout d'être tel que nous, qui foulons le monde depuis longtemps, permet d'en apprendre beaucoup sur ce que nous sommes, expliqua Torii.

L'Ombre d'Alyia - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant