Chapitre 12

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J'agrippai le bras de toutes mes forces tandis que j'essayais de masquer la moindre émotion sur mon visage. Je sentis le pouvoir de Vareck s'enrouler autour de moi, comme s'il voulait m'apaiser, mais cela eut l'effet contraire. Le pouvoir de Vareck était bien tout sauf apaisant.

Les émissaires des Eryadins entrèrent dans la pièce, comme des brebis se jetant dans la gueule du loup. Ils étaient trois. Les trois personnes que je voulais à la fois le plus et le moins voir. Je n'arrivais pas à détacher mes yeux d'eux.

Jarod fut le premier sur lequel mes yeux se posèrent, et comme s'il avait senti ma présence, à peine avait-il posé un pied dans la pièce que ses yeux noisette se rivèrent aux miens. La détermination et l'absence d'émotions que j'y lus me firent frissonner. Ses cheveux châtains ondulaient légèrement sur ses temps, lui donnant l'air un peu plus jeune. La dernière fois que nous nous étions vus, nous nous étions embrassés. Depuis, tout avait changé. Malgré tout, je sentis mon cœur s'accélérer à sa vue, mes sentiments plus complexes que jamais. Après lui venait Spencer, ses yeux noirs scannant la salle de son regard pénétrant. Elle aussi finit par poser les yeux sur moi, mais je n'arrivais pas à y lire quoi que ce soit. En enfin, trainant des pieds, venait Vivi. Ma belle et courageuse Vivi. Elle était livide, ses yeux verts étaient alertes, mais pleins d'angoisse. Elle évitait mon regard.

Je pris une profonde inspiration. J'avais à la fois envie de hurler, pleurer et rire. J'avais envie de les chasser d'ici et en même temps de les prendre dans mes bras. Aimer pouvait faire tellement mal.

— Je ne savais pas que les Eryadins envoyaient des enfants en tant qu'émissaires, commença la voix faussement douce de Vareck à mes côtés.

Je ne l'avais toujours pas lâché. Je vis les yeux de mes amis se poser sur mon bras posé sur le sien. Je ne m'éloignais pas pour autant, en cet instant, j'aurais été tout simplement incapable de ne pas m'écrouler sans sa présence.

— Il avait pourtant été stipulé que nous devions vous rencontrer seul à seul, Alya et vous, fit la sèchement la voix de Jarod en réponse.

— J'ai dû omettre cette partie de votre demande, veuillez m'en excuser.

Mais le ton de Vareck laissait bien entendre qu'il était bien tout sauf désolé.

Ça s'annonçait mal.

— Nous refusons de parler devant ses barbares, continua courageusement Spencer en dévisageant les Faucheurs.

Depuis quand mes amis étaient-ils aussi téméraires ? Depuis quand osaient-ils défier Vareck ? Je ne les reconnaissais pas. Nous avions passé des mois à nous battre pour la résistance, à nous cacher, mais jamais la peur ne nous avait quittés.  Avions-nous chacun tellement changé en si peu de temps ? Nous étions-nous tellement éloignés ? J'avais pratiquement fraternisé à nouveau avec les Éternels, j'avais embrassé le responsable de la ruine de nos vies et de ce monde et voilà qu'eux avaient l'air plus déterminés que jamais à les combattre. Un sentiment de honte m'envahit, peut-être était-ce juste moi qui m'étais perdue en chemin...

— Ils restent, répondit simplement Vareck. Si cela ne vous plait pas, vous pouvez toujours retourner dans le trou dans lequel vous vous terrez pour expliquer à vos supérieurs que vous avez décidé de couper court à la conversation tout simplement parce que vous avez peur. À vous de voir, les enfants.

Je savais que les Faucheurs ne se mêleraient pas de la conversation qui allait suivre, ou alors très peu. Mais ils seraient là, telles des ombres de la mort, statufiée dans leur posture de tueur, à déstabiliser par leur simple regard. Vareck ne souhaitait pas qu'ils restent parce qu'il craignait pour notre sécurité, non, en revanche, c'était une manière d'imposer son pouvoir, d'effrayer l'ennemi. Et je savais que même si Jarod et Spencer ne le montraient pas, il avait réussi. Vivi, elle, ne cachait rien de sa peur. J'essayais à nouveau de croiser son regard, mais c'était peine perdue.

L'Ombre d'Alyia - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant