Chapitre 13

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Les pilotes continuaient à avancer lentement à travers les flancs escarpés de la montagne. La tempête s’était enfin calmée, laissant place à une atmosphère pesante, lourde de silence. Le paysage autour d’eux était d’un blanc immaculé, sans fin, mais aucun d’eux ne trouvait cette pureté apaisante. Ils étaient épuisés, physiquement et mentalement, les événements des derniers jours ayant réduit à néant toute leur énergie.

Esteban marchait en retrait, ses pas lourds marquant la neige fraîche de ses empreintes. Depuis la disparition de Stroll, le français était plongé dans un monde à part, isolé du reste du groupe par ses propres pensées. Il jetait régulièrement des regards en arrière, comme s’il cherchait à apercevoir quelqu’un qui n’était plus là.

- Lance… pourquoi tu ne viens pas avec nous ?  murmurait Esteban pour lui-même, ses paroles perdues dans le souffle glacé du vent.

Il ralentit le pas, laissant les autres prendre de l’avance, puis s’arrêta complètement. Son regard se perdit dans la blancheur environnante, là où il pensait voir son ami.

Un frisson le parcourut, mais ce n’était pas à cause du froid. Esteban croyait entendre la voix de Lance, faible, presque imperceptible, mais présente. Ses lèvres bougèrent à nouveau, formulant des mots à peine audibles.

- Je sais… Je sais ce que tu veux que je fasse, Lance. Ne t’inquiète pas, je ne te décevrai pas. Ce soir… ce soir, je vais… je vais faire ce qu’il faut.

Après un moment, il reprit sa marche, rattrapant lentement les autres, son esprit alourdi par une détermination morbide qu’il était le seul à comprendre.

Non loin devant, Russell avançait d’un pas rapide, son visage crispé par la tension. Il ne pouvait s’empêcher de repenser à celui qu’il avait laissé derrière lui : Lewis, en proie à une crise de rage, la mort de Nico… Tout cela le hantait, ne lui laissant aucun répit.

- J’aurais dû faire plus… se répétait-il en boucle. J’aurais dû rester avec lui.

Ces pensées le rongeaient, creusant un trou dans son cœur déjà lourd de culpabilité. Il n’avait jamais vu Lewis dans un tel état. Jamais il n’aurait imaginé que la situation puisse dégénérer de cette façon. Mais maintenant, tout était différent. Ils étaient tous différents. Cette montagne les transformait, les brisait.

Il s’arrêta soudainement, son regard se perdant dans l’immensité blanche. Un sentiment d’urgence s’empara de lui. Il ne pouvait pas continuer comme ça, laisser Lewis seul dans cet état, dans cette montagne qui dévorait tout espoir.

- Je dois retourner le chercher. dit-il à voix haute, attirant l’attention d’Alex qui marchait à côté de lui.

- Qu’est-ce que tu dis ? demanda Alex, l’inquiétude perçant dans sa voix.

- Je dois retourner chercher Lewis. Je ne peux pas le laisser là-bas. 

George parlait avec une détermination nouvelle, celle qui naît de la culpabilité et du désespoir.

Albon posa une main ferme sur son bras.

- George, c’est trop dangereux. On ne peut pas se permettre de se séparer encore plus. Tu ne peux pas faire ça seul.

Mais le pilote Mercedes secoua la tête, se dégageant doucement.

- Je n’ai pas le choix, Alex. Si je ne fais rien, il va mourir.

Sans attendre de réponse, George se tourna et commença à marcher en sens inverse, remontant la pente avec une urgence désespérée. Alex se lança à sa poursuite, criant son nom, mais il ne l’écoutait plus.

Le groupe réalisa rapidement ce qui se passait et se mobilisa pour rattraper Russell. Ils savaient tous qu’il était dangereux de se séparer, surtout avec les récentes pertes. La neige, bien que compacte sous leurs pieds, masquait les irrégularités du terrain, rendant chaque pas hasardeux. Ils appelaient George, leur voix résonnant dans le silence glacial.

L'ancien Williams courait presque maintenant, ses pieds heurtant durement la neige. Il ne pensait qu’à une chose : trouver Lewis avant qu’il ne soit trop tard. Mais dans sa précipitation, il ne vit pas la plaque de glace fine sous la neige.

Soudain, il perdit pied. George glissa violemment, ses bras battant l’air pour tenter de retrouver son équilibre, mais en vain. Son corps fut projeté en avant, dévalant la pente abrupte dans une roulade désordonnée. Les autres pilotes s’arrêtèrent net, horrifiés, en le voyant disparaître dans un creux enneigé.

Alex fut le premier à atteindre le bord du précipice où George avait chuté. Son cœur se serra lorsqu'il aperçut son ami en contrebas, étendu sur le dos, le visage tordu par la douleur. Mais ce n’était pas tout. En s'approchant davantage, le thaïlandais vit avec horreur que son meilleur ami était transpercé par un long bout de bois, enfoncé profondément dans son son dos.

- Geooorge ! cria Alex, se précipitant vers lui, ignorant la neige traîtresse sous ses pieds.

Le reste du groupe suivit, les visages crispés par l’angoisse.

Le numéro soixante-trois ouvrit faiblement les yeux, ses lèvres tremblantes de douleur.

- Alex… je… balbutia-t-il, le souffle court.

Le bâton avait pénétré profondément jusqu'à son ventre, et la neige autour de lui commençait déjà à se teinter de rouge.

- Ne parle pas, on va t’aider. dit Alex d’une voix pressante, tentant de contenir sa panique.

Il savait, tout au fond de lui, que la situation était désespérée. Mais il ne pouvait pas abandonner son ami. Pas comme ça.

Les autres arrivèrent, entourant George, chacun réalisant avec horreur la gravité de la situation. Mais alors qu’ils tentaient de réfléchir à ce qu’ils pouvaient faire, une autre ombre planait au-dessus d’eux, plus terrible encore. Car, quelque part dans cette montagne, Lewis errait toujours, et ils venaient de perdre leur dernière chance de le retrouver.

Panique en Montagne [Formule 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant