INDOMPTÉS

CHAPITRE 9

« Parfois, je me demande ce que ça fait d'être normal, mais ensuite, je me rends compte que je m'en fiche. »

RYUJI

J'ai toujours détesté Miyoko.

D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais pu la blairer, elle et sa famille d'ailleurs. Tous des profiteurs. Des sangsues qui vous bouffent petit à petit sans que vous ne vous en rendiez compte. Alors, lorsque Kise était venu m'expliquer le problème de cette garce, je n'ai pas pu m'empêcher de rigoler. Ce qui, au passage, m'a valu les insultes de mon frère.

Mais avouons-le, la situation dans laquelle se trouvait cette connasse était à mourir de rire. Elle qui s'est toujours vantée d'être une femme respectable et respectée pour sa pureté se retrouvait enceinte d'un touriste qui avait mis les voiles après avoir eu ce qu'il voulait d'elle.

Et de ce que je sais, cet homme n'a pas été le premier homme qu'elle a connu, donc, se dire « pure », quelle bonne blague ! L'on sait tous qu'elle ne faisait pas que prendre le thé avec eux.

Mais ses parties de jambes en l'air ne m'intéressaient pas. Encore moins sa vie, mais il a fallu qu'elle piège mon frère. Chose qu'elle a voulu essayer avec moi en premier, mais qui n'a pas fonctionné.

Elle est l'une des raisons pour lesquelles j'ai horreur des femmes. Je sais que c'est mal de généraliser, mais je suis profondément dégouté par ces êtres perfides aux mœurs légères.

Je me souviens comme si c'était hier. Lors d'une sortie dans le quartier rouge, j'avais un peu trop forcé sur l'alcool et c'est à ce moment qu'elle a voulu m'aguicher.

Plus tard, j'ai découvert qu'elle avait demandé au barman d'injecter de la drogue dans mon verre afin de pouvoir me faire passer pour le père du bébé qui était en train de grandir dans son ventre. Cette astuce aurait permis à elle d'entrer dans notre famille, ce qui devait être bénéfique pour les alliances entre son clan et le nôtre.

Si elle avait réussi son coup, j'aurai été violée... encore.

Cependant, étant donné qu'elle n'a pas réussi à me tromper, elle s'est tournée vers Kise, qui, avec son grand cœur, s'est laissé attendrir sans comprendre ce qu'elle avait tenté de me faire.

Le proverbe dit : « Trop bon, trop couillon » et Kise venait de se faire avoir comme un con. J'ai tenté de le prévenir, mais c'était trop tard. Père s'était réjoui de cette nouvelle et a commencé les préparatifs du mariage.

Selon lui, et comme il nous le disait bien, son fils « Pédé » était enfin guérit !

Je n'ai jamais eu autant envie de le tuer que lorsqu'il s'en est pris à Kise de façon si fourbe et dégueulasse.

Bref, le mal étant fait, me voici aujourd'hui en train d'assister à un mariage cousu de toutes pièces de fils blancs. Père et Miyoko discutaient joyeusement ensemble, fiers de leur coup, surement, tandis que Kise ne faisait que boire pour se détacher de la réalité, surement. Je me rapproche de lui, le faisant légèrement sursauter.

— On aurait dit que tu assistes à un enterrement Ki'. Chuchotais-je à son oreille un léger sourire aux lèvres. Tant qu'à faire, autant en rire de cette situation plutôt que de se lamenter.

— C'est si flagrant que ça ? Et pourtant, je jure que j'essais de ne pas jouer les coincés.

Il me répondit sur un ton de rigolade, mais je pouvais voir dans son regard qu'il se retenait de craquer. Il se retenait de laisser sortir tout ce qu'il avait sur le cœur afin de m'épargner. J'étais au courant des menaces du père. Si Kise faisait tout capoter, il me réservait une punition dans la salle des supplices, une salle de torture au sous-sol de notre demeure. Personnellement, cette punition ne serait pas fatidique pour moi et je pouvais l'endurer si cela me permettait de tirer Kise de ce merdier, mais, je vous l'ai dit, mon frère, en plus d'être con, est extrêmement sentimental. Je suis le démon des Kōshitsu. Un homme qui fait trembler les cieux et qui ébranle la terre selon les autres clans. J'ai tué tellement de gens que leur sang se déroule devant moi tel un tapis écarlate, mais, pour Kise, je ne suis que Ryûji, son petit frère.