Chapitre 38

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Rebecca Ferguson - Nothing's real but love
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Quelqu'un vînt frapper à la porte et elle fut soulagée de savoir que ce n'était autre que son père qui cherchait à lui parler. Elle ouvrit la porte pour lui permettre d'entrer. Dans son état actuel, elle ne pouvait tolérer de monde autre que lui. Elle s'installa sur son lit alors que son père se tirait une chaise pour s'asseoir en face d'elle. Elle savait que son père allait commencer sa séance de psychothérapie. Elle s'était préparée à l'écouter et seulement l'écouter. Pour ce qui est de ses conseils, elle verrait bien ce qu'elle en ferait.

- Peu de temps après que ta mère nous aie quitté, il y avait ce vide qu'elle avait laissé qui m'empoisonnait l'existence. Moi qui était habitué à la voir près des hibiscus, à la voir broder, s'occuper de la cuisine de temps à autres ; tout ça s'est transformé en un silence assourdissant. C'est un silence auquel je ne me suis jamais habitué, jusqu'à aujourd'hui même.

- On ne peut pas dire que c'est confortable non plus...elle glissa subtilement, retenant ses larmes.

- C'est difficile de perdre un être cher. Mais ce qui est encore plus difficile, c'est de se lever le matin et de savoir qu'elle ne fera plus partie de ta vie. C'est un sentiment que je ne souhaite à personne, Jamie. Et c'est pourtant un sentiment dont Collin ne fait pas exception en ce moment.

Elle tomba en sanglots aux derniers mots de son père. Ce dernier migra sur le lit pour enlacer sa fille, espérant pouvoir lui apporter réconfort.

- Il me manque tellement, papa... C'est encore plus insupportable que ce que je ne l'avais imaginé...elle suffoquait entre ses mots alors qu'elle faisait naufrage dans ses propres chaudes larmes.

- Je sais que ce n'est pas facile, ma grande. Ni pour toi ni pour lui ni pour aucun d'entre-nous d'ailleurs.

- C'est injuste tout ça...J'ai l'impression de m'être forgée tout ce temps pour finir en ruine...J'ai parcouru tout ce chemin pour me prendre un mur...Tout ce travail et ce sacrifice pour rien papa. Rien du tout et ce n'est pas juste...Tellement pas juste...

Il lui caressa répétitivement les cheveux alors qu'il le laissait se vider de ses émotions. Dans de telle situation, Carel avait pour habitude de laisser les personnes évacuer en toute sérénité ce qu'elles avaient sur le coeur, à l'opposé de ce qu'aurait fait la plupart du monde. Les gens auraient sans doute réconforter avec la formule usuelle "Ne pleure pas",  "Ça va aller", "Tout ira bien" et autres. Carel ne branchait jamais pour ça. Si une personne pleurait c'est parce que son corps ne supportait plus l'horreur qu'elle vit. Les larmes sont des formes d'expression réfuter de tous et vues comme un signe de faiblesse. Et pourtant, empêcher quelqu'un de pleurer serait tout aussi semblable que d'empêcher une personne non aphone de parler. Imaginons le calvaire et la torture de cette agonie.

La tête apposée contre la poitrine de son père, Jamie finit par se calmer. Elle fixait le vide dans ce silence réconfortant que son père lui avait apporté. Pour alléger l'ambiance, il lui racontait de vieux adages de jeunesse, lui rappelait son enfance. Cela lui avait apporté un peu de sourire et de sérénité malgré la tempête d'émotions qui lui avait préalablement ôté les mots de la bouche.

Il se décala ensuite pour poser ses mains de part et d'autre de l'épaule de sa fille. Il faillit ne pas la reconnaître : ces traits déprimés, ce visage long, cette rougeur péri-orbitale et nasale. Il se tenait face à une silhouette méconnaissable et aussi fragile qu'une porcelaine. Ce n'était pas la Jamie à laquelle il était habitué. Ce n'était  pas sa fille. Pas une trace de son aura habituelle. À ce stade, il ne pouvait que lui conseiller une seule chose.

- Tu dois y retourner.

- Non...je ne peux pas. Je ne peux plus... elle frissonnait rien qu'à cette idée.

- Si tu le peux, trésor.

- J'ai déjà rendu mon anneau.

- Mais pas ton âme ni ton amour.

- J'ai échoué cette partie de ma vie, papa. Il ne voudra pas de moi et je peux parfaitement le comprendre.

- Jamie, si tu penses avoir échoué, ré-essaie. Si tu penses avoir eu tort, excuse-toi. Mais ne vie jamais dans le regret. Jamais.

Garder l'intégrité morale. L'éthique de Carel, l'idéologie qu'il ne cessait de répéter aux jeunes de la famille. Il déposa un baiser au front de sa fille, puis se dirigea vers la porte et avant de la fermer derrière, il rajouta :

- Ne lui prive pas de ton amour sous prétexte de lui éviter une souffrance inutile, Jamie. Parce que contrairement à ce que tu crois, c'est bien la seule chose en ce bas-monde qui soit en mesure d'apaiser vos maux.

Elle (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant