Chapitre 28

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Une terre désolée à perte de vue s'étend tout autour de Diesel. Elle a beau se retourner, chercher quelque chose qui lui rappelle l'endroit, rien. Ce n'est pourtant pas la première fois qu'elle voit ce paysage, qu'elle s'inquiète en sachant ce qu'elle fuit. Où aller ? Dans cet enfer, il n'y a aucune issue possible, les créatures la rattrapent toujours. Son souffle se fait court, ses pattes griffant le sol rugueux, tandis que sa queue se balance frénétiquement, signe de sa panique grandissante. Elle continue de courir, puis s'arrête, essoufflée, son regard se posant alors sur une silhouette lointaine, presque un mirage.

— Alastor ? crie-t-elle.

Il semble se tourner vers elle, mais il est loin, et elle n'est pas certaine que ce soit lui. La confusion brouille son esprit, un bourdonnement envahit sa tête, et ses oreilles canines se dressent, cherchant désespérément un son familier. Son corps lui fait mal, mais cela aussi ce n'est pas la première fois. Elle se retourne, les créatures qu'elle fuit sont là, prêtes à lui bondir dessus. Diesel court vers la silhouette, mais les créatures sont trop proches !

Elles s'accrochent à sa fourrure, à ses pattes reptiliennes, tirant violemment, déchirant tissus et chairs. Diesel hurle et tente de se défendre, elle assène des coups de pied dans la tête des créatures, sans que celles-ci ne lâchent leur prise. Son cœur accélère alors qu'elle sent la vie la quitter peu à peu, ou pire peut-être, car lorsque les bêtes tirent sur sa peau, celle-ci s'enlève comme une mue pour laisser apparaître son corps de démon décharné. Pas de plumes, juste une peau terne et malade.

L'entité se rapproche, jusqu'à ce qu'elle voie ses yeux luire et la marque sur son front qui rappelle étrangement la sienne. « Toi aussi, tu es corrompue. » Le souffle court, la peur se transforme en une douleur sourde qui résonne dans tout son être. Diesel hurle et se débat, la voix résonne en elle comme une menace, elle sent la prise des bêtes sur elle.

Elle se redresse, la douleur parcourant son cœur et se jette en arrière, alors qu'elle dévisage Alastor, transie. Lui-même la dévisage avec confusion. Ce n'est pas la première fois qu'il l'entend crier ou pleurer dans un rêve, mais c'est la première fois qu'elle a autant de mal à se réveiller et qu'elle se débat autant.

— Tu es réveillée, chérie, tu faisais un cauchemar, réplique Alastor.

Les mots d'Alastor traversent à peine le voile de terreur qui enveloppe encore Diesel. Elle reprend son souffle tout en regardant ses bras, son cœur battant la chamade. Elle dévisage Alastor, s'assurant qu'il est bien là. Le démon la dévisage, son sourire neutre.

— Cela faisait longtemps que je ne t'avais plus entendue hurler, plaisante Alastor.

Le ton léger d'Alastor contraste avec l'angoisse qui étreint Diesel. Son souffle revenu, elle se reprend tout en s'allongeant sous les draps, Alastor l'imitant.

— Cela faisait longtemps que je n'avais plus fait ce rêve, explique Diesel.

— Kami ? demande Alastor.

— Non, je ne pense pas que ce soit vraiment à cause de lui... Ou peut-être que si. Je vois toujours des créatures me poursuivre et me mettre en pièces, mais je vois mon ancien corps remplacé par cette forme que je prenais au début, quand je ne me contrôlais pas, explique Diesel.

Les paroles de Diesel restent suspendues dans l'air, lourdes de sous-entendus. Alastor cligne des yeux tout en l'écoutant, sans trop savoir quoi en penser ni quoi lui dire. Une réflexion traverse son esprit : le subconscient de Diesel matérialise ses peurs d'une manière qu'il ne peut totalement saisir. Kami doit avoir un impact sur elle, même si cela fait grincer les dents au démon de devoir l'admettre.

Il la dévisage, puis tapote doucement sa tête.

— Tu as besoin d'être bordée pour te rendormir ? ricane Alastor.

— Tu sais faire ce genre de choses, toi ? plaisante Diesel.

— Bien sûr, déclare le démon, son regard rouge luisant dans l'obscurité.

Il se penche vers elle, et dans un geste surprenant de tendresse, ses doigts s'enfoncent doucement dans sa chevelure, écartant les mèches dorées pour révéler son front. Alastor commence à chantonner la douce mélodie de jazz sortant de son micro. Le son est apaisant, une contradiction vivante avec la nature du démon. Diesel écarquille les yeux, son sourire s'élargissant, ne s'attendant pas à ce qu'il fasse cela.

— Tu es difficile à suivre parfois, chuchote-t-elle.

Une lueur passe dans les yeux d'Alastor, presque imperceptible, mais pleine de malice. Il se contente d'une exclamation en guise de réponse. Lui-même se surprend à toujours jouer le jeu sans y trouver à un moment ou à un autre une lassitude à leur entente. Cela lui devient même presque naturel. Cette réalisation le trouble : qu'est-il en train de devenir ? Désopilant quand il se fait la remarque sur le fait d'apprécier la tranquillité grandissante de la déchue, qui annonce également le renforcement de son emprise sur elle, tout en se rappelant que l'image d'un démon doux et compatissant n'est pas celle qu'il recherche. Mais il sait aussi que plus Diesel s'habituera à lui, moins elle tremblera sous ses caresses, et l'idée que cette excitation pourrait s'évanouir le dérange.

Diesel respire lentement, tentant de synchroniser son souffle avec celui d'Alastor, calme et profond. Au début, quand il dormait avec elle, il prenait garde à rester éveillé après elle, il s'assurait de maintenir le filtre sur sa voix, mais depuis qu'elle partage sa tour, il ne prend plus la peine de le maintenir. Il observe la déchue, son regard s'adoucissant malgré lui, tandis qu'elle se laisse glisser de nouveau dans les songes. Il cesse de lui caresser les cheveux, puis se place dos à elle.

Demain, si Lucifer revient, cela sera sans doute en compagnie des démons et des anges dont ils ont parlé. Un frisson d'anticipation parcourt Alastor à cette idée. Cela va devenir plus compliqué de manipuler Charlie si Lilith est, elle aussi, dans la place. Il plisse les yeux dans l'obscurité, cherchant une solution. Si seulement il parvenait à trouver le moyen de se libérer de ses contraintes. Enfin, il y en a une qui sera effectivement ravie de savoir le roi et la reine des enfers à portée de main.

Hazbin Hôtel : DéchueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant