21 | Ces frontières invisibles

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C'est le doux ronron de Jack qui m'a tiré lentement des brumes du sommeil

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C'est le doux ronron de Jack qui m'a tiré lentement des brumes du sommeil. Elle était là, de retour après trois semaines d'absence et, tandis que je lui caresse doucement le crâne, pour un bref instant, la vie m'a semblée parfaite.

Bien au chaud sous la couette, j'ai un peu de mal à situer si le pirate est vraiment venu me rendre visite au milieu de la nuit ou si c'est une blague de mon esprit. Pourtant, lorsque je m'étire, mes yeux rencontre son teeshirt gisant près du lit comme s'il avait oublié son ombre derrière lui avant de partir.

Il est encore imprégné de son odeur et de son sang qui me rappelle ses blessures. Son regard dur et triste à la fois. Ses yeux inoubliables.

Il a vraiment posé sa bouche sur mon front ?

Un sourire me monte aux lèvres au souvenir de ce qu'il m'a dit. Pourtant un doute s'installe. J'ai peut-être tout déformé, tout interpréter de travers. La faute à ma vulnérabilité.

Je secoue la tête, agacée. Je ne veux pas être ce genre de fille qui se raccroche à une corde tissée d'espoirs et qui finie pendue au bout d'un rêve. Ce rôle est déjà attribué à Flavia.

Je me lève et file vers la salle de bain. Le miroir me renvoie une image un peu crue mais au moins j'ai les traits reposés et presque pas de cernes. J'ouvre le robinet. La canalisation râle fort avant qu'une eau glacée ne jaillisse. Tandis que je frotte le tissu à travers la mousse savonneuse, l'ironie me fait grimacer.

Depuis combien de jours cela dure-t-il ?
Est-ce vraiment la chaudière qui m'a lâchée ou l'ont-ils coupé parce que je n'ai pas payé ?

Sur la pointe des pieds, j'étendre le teeshirt propre à la barre du rideau de douche puis me déshabille avant de me glisser sous l'eau. Glacée, évidement, et aucune chance qu'elle ne se réchauffe.

Le manque de fric commence à peser. L'eau froide, on s'y fait ; mais perdre l'appartement, ça, ce serait pire que tout. L'idée me prend à la gorge. Il faut que je trouve une solution et vite. Le front collé contre le carrelage, je me laisse envahir par la lassitude.

Pourquoi on paye pour vivre ? Qui a inventé ce système complètement con ? Les autres êtres vivants ne payent rien du tout. On pouvait pas rester comme les hommes des cavernes ? En plus je suis certaine que j'ai complètement oublié comment ça fait de travailler.

Je me voyais déjà sept heures par jour devant un tableau Excel à lutter contre l'envie dévorante de balancer l'ordinateur par la fenêtre, et les collègues avec. Après j'irais en prison. Le seul endroit où tout est gratuit, mais qui te coûte ta liberté.

Je ne suis pas faite pour cette vie, me lamentais-je en sortant de la douche, grelottante, enroulée d'une serviette.

Dans la cuisine, j'ai posé la machinetta italienne sur le gaz. Tandis que le café se prépare, mon regard est attiré par un verre posé à côté de l'évier. Boire l'eau du robinet c'est aussi malin que de nager dans la Seine. À l'heure qu'il est, Cardini est peut-être déjà tout vert et couvert de pustules. L'imaginer me fait simultanément de la peine et grimacer.

Au pire, on meurtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant