Aiko posa le pied sur l'île de Shabondy, le cœur lourd, des mois après avoir quitté Mancollia. Chaque instant de ce voyage l'avait éloignée de la sécurité de son village, et elle avait appris à vivre avec la solitude, le silence, et la méfiance. Les mots de Gemmei insistant pour qu'elle voyage sous protection de la marine lui revenait sans cesse. Elle se souvenait des larmes dans ses yeux lorsqu'Aiko avait refusé de la laisser l'accompagner. Quelque part au fond d'elle, Aiko savait que c'était une épreuve qu'elle devait affronter seule, malgré les dangers qui guettaient à chaque tournant.
Les bateaux marchands qu'elle avait empruntés n'avaient été choisis que pour une seule raison : leur affiliation avec la marine. Elle détestait l'idée de voyager sous leur protection, ces mêmes forces qui avaient causé la mort de sa mère. Mais elle avait promis à Gemmei de faire preuve de prudence, et elle n'avait pas eu le cœur de la décevoir. Pourtant, chaque embarquement, chaque regard croisé avec un soldat de la marine, ravivait sa rancœur. Ils n'avaient aucune idée de qui elle était, de ce qu'elle savait, et elle se rassurait en se disant que tant qu'elle restait invisible, tout irait bien.
Son arrivée à Shabondy, sous une capuche noire dissimulant sa flamboyante chevelure rousse, marqua une nouvelle étape. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas vu le sourire de ses proches, tout le monde lui manquait terriblement. Elle s'était enfermée dans une solitude qui lui permettait de rester en sécurité. La moindre conversation pourrait la trahir, révéler son identité ou des informations susceptibles de la mettre en danger. Le monde extérieur lui semblait immense, effrayant, et inconnu.
Elle longea les murs de la ville, son regard scrutant chaque coin sombre, chaque silhouette suspecte. La foule était dense, l'atmosphère imprégnée d'une agitation constante, comme un bourdonnement incessant qui ne laissait place à aucun répit. Aiko savait qu'elle devait éviter les zones principales à tout prix, là où les Dragons Célestes pullulaient. Elle n'avait qu'un seul but en tête, et tout autre détour serait un risque inutile.
Dans sa poche, elle serrait une carte approximative que Gemmei lui avait donnée avant son départ. Son père, Marco, avait confié à Gemmei que, si un jour elle avait besoin d'aide, une vieille connaissance sur cette île pourrait peut-être lui venir en aide. Pas un allié, pas vraiment un ami, mais quelqu'un qui, si la cause lui semblait juste, pourrait tendre la main. Aiko ne connaissait pas son nom, seulement le vague emplacement d'un bar où elle espérait le trouver. Tout cela était si incertain, mais elle n'avait rien d'autre sur quoi se reposer.
Elle sentit l'étau qui comprimait son cœur se desserrer quand elle arriva devant sa destination. Le bar de l'arnaque. Elle espérait de tout coeur que les personnes qu'elle devait rencontrer lui viendraient en aide. La prochaine étape de son voyage était le Nouveau Monde et elle se sentait incapable d'y faire face. Tout ce qu'elle savait de cette partie du monde était absolument affreux. Elle n'avait aucune idée d'où était son père. Elle savait juste que son équipage n'existait plus, on lui avait ri au nez quand elle avait parlé de Barbe Blanche, mort deux ans plus tôt. L'information n'était jamais parvenue jusqu'à son village ou alors quelqu'un avait fait taire la nouvelle... Son père avait depuis lors disparu de la circulation du peu qu'elle avait réussi à soutirer comme information.
Elle poussa finalement la porte du bar, peu désireuse de rester plus longtemps à l'extérieur. Elle ne se sentait pas spécialement en sécurité. Elle eut un moment d'arrêt en voyant une femme avec de court cheveux bruns, une cigarette au coin de la bouche tabasser deux clients. Il était question de consommations non payées. Aiko se faufila jusqu'au bar et retira sa capuche essayant de se faire discrète. Il n'y avait aucun autre client à part les deux hommes à terre.
Aiko essaya de rester impassible, bien que son cœur battait à tout rompre, alors que la barmaid expédia les mauvais payeurs avec une facilité déconcertante. Une fois l'agitation retombée, elle se retrouva seule dans le bar en compagnie de la femme brune, à l'air dur et implacable. Aiko sentait le poids de son regard, et malgré son apparence frêle, elle tenta de ne rien laisser paraître.
VOUS LISEZ
Les larmes du phénix
FanficUne larme pour chaque regard échangé. Une larme pour chaque instant partagé. Une larme pour remplir la fissure de son cœur brisé. Cover image by MayRedwastaken on deviantart