9 - Futur

57 7 11
                                    

[Île de Mancollia]

[dix ans plus tard]

Gemmei eut un sourire nostalgique en s'installant devant la tombe de Hanayo. Elle venait souvent, s'asseyant toujours au même endroit, juste assez près pour caresser doucement la pierre du bout des doigts, comme pour sentir une connexion. Elle se souvenait de la voix rieuse de Hanayo, de son énergie contagieuse, et c'était en racontant les derniers potins du village que Gemmei parvenait à maintenir ce lien fragile avec elle. « Tu te souviens de Miko ? Eh bien, elle a encore fait des siennes... » Murmurait-elle, en riant doucement pour elle-même. C'était sa manière de garder Hanayo présente, de lutter contre l'inexorable effacement que le temps tente d'imposer aux souvenirs.

Ses doigts, usés par les années, glissèrent sur ses cheveux devenus blancs, qu'elle ramena en arrière dans un geste mécanique. Tant de temps avait passé, et pourtant, la douleur de la perte était toujours là, implacable. La tombe, malgré la beauté des fleurs qui l'entouraient, restait un rappel brutal de tout ce qu'elle avait perdu.

Avec un soupir profond, elle se releva lentement. Le soleil déclinait à l'horizon, teintant le ciel de nuances d'or et de pourpre. Il était temps de rentrer. Sur le chemin du retour, chaque pas semblait plus léger, comme si la brise du crépuscule effaçait un peu du poids qu'elle portait. Elle passa devant le Grain de Sable, la petite auberge que Hanayo avait ouverte des années auparavant. La pancarte, toujours de travers, la fit sourire avec tendresse. Elle se souvenait parfaitement du jour où elles avaient essayé de la fixer ensemble. Après des heures à s'acharner, elles avaient fini par abandonner, riant jusqu'à en avoir les larmes aux yeux. Hanayo s'était allongée sur le sol, recouverte de peinture, et son éclat de rire avait résonné dans tout le village.

« Que le temps passe vite... » murmura-t-elle pour elle-même, alors que les images de cette époque défilaient dans son esprit.

Lorsqu'elle arriva enfin à la maison, une douce odeur de nourriture lui parvint, réveillant un creux dans son estomac. Elle poussa la porte, accueillie par la chaleur de son foyer.

— Aah Gemmei ! Tu es déjà là, j'ai pas terminé, je pensais que tu allais rentrer plus tard ! s'exclama une voix familière depuis la cuisine.

Gemmei sourit en apercevant Aiko, occupée à préparer le dîner. La jeune femme avait pris de la hauteur avec les années, et ses longs cheveux roux cascadaient désormais dans son dos. À chaque fois que Gemmei croisait ses yeux bleus, elle ne pouvait s'empêcher de voir en elle un reflet de ses parents.

— Tu as besoin d'aide, Aiko ? demanda Gemmei doucement.

— Non, non, répondit la jeune femme en grimaçant légèrement. Je voulais vous concocter un bon repas, à toi et à Genji, pour vous remercier. Mais... j'ai sous-estimé le temps que ça prendrait.

Un sourire amusé étira les lèvres de Gemmei. Aiko, malgré ses airs déterminés, avait encore cette petite maladresse qu'elle trouvait adorable.

— Ce n'est rien, dit-elle en se rapprochant, ça me fait déjà très plaisir. Terminons ensemble, veux-tu ?

Aiko hésita une seconde avant d'acquiescer. Elle expliqua alors à Gemmei ce qu'elle avait prévu de préparer pour le dîner, détaillant chaque ingrédient avec un enthousiasme qui trahissait l'affection qu'elle portait à ses parents adoptifs. Le lendemain, elle célébrerait ses vingt ans, un moment symbolique qui marquait la fin de son adolescence. Ce repas était plus qu'un simple geste ; c'était sa manière de montrer sa gratitude à Gemmei et Genji, qui l'avaient soutenue sans faillir, même lorsqu'elle les avait repoussés dans ses moments de douleur et de confusion.

Les larmes du phénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant