Chapitre 4

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Les heures s'étiraient interminablement, et la chevauchée semblait ne jamais finir. 

Le rythme répétitif des sabots battant le sol résonnait dans mes oreilles, se mêlant à l'écho de mes pensées tourmentées. Je ne comptais plus le temps, la nuit et le jour se confondant en un long flou indéchiffrable, une course effrénée à travers des paysages désolés. Chaque secousse du galop me faisait souffrir, mes muscles étaient endoloris, et chaque impact semblait résonner au plus profond de mes os. Pourtant, malgré la douleur et la fatigue, je me refusais à flancher.

Les arrêts se faisaient rares, mais essentiels. À chaque pause, les chevaux haletants prenaient un moment pour se remettre, et nous, leurs cavaliers, tentions de récupérer un semblant de forces. Mais ces moments de répit ne me permettaient pas de relâcher ma garde. 

Les démons formaient systématiquement un cercle, se regroupant entre eux dans une espèce de connivence silencieuse, parlant dans une langue qui m'échappait complètement. Leurs voix étaient comme des murmures sombres portés par le vent, leur ton grave et énigmatique. Je me tenais toujours à l'écart, exclue de leurs discussions secrètes, consciente que je n'étais qu'une étrangère dans leur monde.

De temps à autre, l'un d'entre eux tournait la tête vers moi, ses yeux brillant d'une lumière indéchiffrable, comme s'il m'évaluait ou cherchait à percer les mystères que je portais en moi. Mais leur attention ne durait jamais, et bientôt, leurs regards retournaient à leurs compagnons, leurs voix se fondant à nouveau dans leurs conversations incompréhensibles.

Le paysage que nous traversions semblait refléter l'atmosphère lourde et sinistre de notre groupe. Des terres désolées, mortes, où aucun signe de vie n'osait s'aventurer. Des villages abandonnés défilaient autour de nous, leurs bâtisses en ruine, et leurs habitants, si tant est qu'il en restait, nous fuyaient à notre passage, craignant la menace que nous représentions. Chaque lieu semblait porter l'empreinte invisible de la terreur que nous laissions derrière nous. Ce voyage était marqué par une ombre palpable, un sentiment de mort imminente.

Je ne pouvais m'empêcher de me poser des questions. Qui étaient réellement ces démons à mes côtés ? J'avais entendu des légendes, des histoires effrayantes murmurées par ceux qui osaient à peine prononcer leur nom. Mais en les côtoyant, je réalisais à quel point ces récits ne saisissaient qu'une fraction de ce qu'ils étaient. 

Ces êtres étaient bien plus que des monstres. Ils étaient dotés d'un pouvoir ancien, impénétrable, et leurs intentions m'échappaient complètement. Leur silence, leurs regards, leurs mouvements calculés m'inquiétaient plus que tout. Ils semblaient savoir exactement où ils allaient, ce qu'ils allaient faire, tandis que moi, je n'étais qu'une pièce rapportée dans un jeu dont j'ignorais les règles.

Mes pensées, lourdes de fatigue et d'incertitude, semblaient flotter dans un brouillard épais. Le balancement régulier du cheval m'avait presque fait sombrer dans un état de semi-conscience lorsque quelque chose me tira brusquement de ma torpeur. Un changement subtil dans le rythme des sabots. Le galop effréné ralentissait, les respirations de la monture se faisaient plus lourdes, plus profondes. Ouvrant lentement les yeux, encore à moitié endormie, je pris conscience que quelque chose avait changé autour de nous.

Le paysage semblait se resserrer. Les arbres, les collines et même l'air paraissaient se contracter sous une force invisible, comme si le monde entier retenait son souffle en attendant notre arrivée. Mon cœur s'emballa, un mélange d'excitation et d'appréhension montant en moi. Nous ne ralentissions pas pour nous reposer, je le savais au plus profond de moi. Nous étions sur le point d'atteindre notre destination. Ce moment décisif, cet inconnu qui m'avait appelé dans les ténèbres, se trouvait à portée de main.

heart of the AbyssWhere stories live. Discover now