Chapitre 14

39 3 2
                                    

Je le fixai, mes yeux rivés sur lui, et plus je le contemplais, plus une chaleur furieuse montait en moi, un feu brûlant qui s'intensifiait à chaque instant. C'était de la jalousie, pure et brute, une passion qui m'enflammait de l'intérieur sans que je puisse en saisir l'origine. Je me disais que je m'en fichais, que cela n'avait aucune importance que Deimos soit assis à quelques mètres de moi, entouré de ces femmes qui le dévoraient des yeux.

Elles gloussaient comme des truies à chaque mot qu'il prononçait, leurs rires perçants résonnant dans l'air lourd de tension. Pire encore, elles s'amusaient à l'effleurer, leurs mains se posant sur lui avec une familiarité que je ne pouvais supporter, comme des hyènes rôdant autour d'une proie, impatientes de la dévorer.

Non, je ne m'en fichais pas du tout.

Le mensonge s'effondrait dans mon esprit aussi violemment qu'une vague déferlante, balayant tout sur son passage. Une seule pensée résonnait en moi avec une clarté sauvage : je voulais me lever, marcher vers elles et leur arracher le visage pour avoir osé s'approcher de lui. Une rage incontrôlable s'emparait de moi, m'aveuglant presque.

Mes mains tremblaient sous la table, serrées en poings, les jointures blanches trahissant ma lutte intérieure. Je luttais pour garder mon calme, mais cette colère, cette jalousie dévorante, me rongeait de l'intérieur comme un poison lent. 

Qu'est-ce qui me prenait ? Pourquoi étais-je envahie par cette violence insatiable, un feu ardent qui consumait ma raison ?

Je détestais Deimos. 

Je le détestais, lui et tout ce qu'il représentait. Ses prophéties sur les âmes sœurs, ses promesses d'un destin partagé, tout cela me répugnait et me mettait mal à l'aise. Chaque mot qu'il prononçait était une lame aiguisée, creusant plus profondément une blessure en moi, comme s'il cherchait à briser chaque fil de ma réalité. 

Et il l'avait fait. 

Il avait brisé le dernier lien que j'avais avec Kelen, ce lien précieux, indéfectible, qui me rattachait à la seule personne en qui j'avais eu confiance. Depuis hier, je ne cessais de me demander s'il était encore en vie, rongée par l'incertitude, ne nourrissant qu'une seule envie : retourner d'où je venais, juste pour voir s'il allait bien.

Mes pensées tourbillonnaient, chacune plus sombre que la précédente. Je me sentais perdue dans un océan de désespoir, me demandant si mes sœurs seraient fières de moi, si elles approuveraient ma faiblesse. La solitude pesait sur moi comme une chape de plomb, et chaque seconde passée en la présence de Deimos ne faisait qu'accentuer cette douleur.

Mais Deimos... Ce foutu démon. 

Je le haïssais autant que je haïssais les sentiments qu'il provoquait en moi. Chaque regard qu'il m'adressait, chaque sourire tordu qui jouait sur ses lèvres, éveillait en moi quelque chose de violent, de contradictoire. Cette tension insupportable qui me consumait de l'intérieur, cette rage mêlée à une attirance que je refusais de comprendre, tout cela m'écoeurait. Comment pouvait-il susciter en moi de telles émotions alors qu'il ne représentait que destruction et chaos ?

À chaque fois que je croisais son regard, ce vert hypnotisant, une part de moi vacillait, prête à céder. Cette part était celle que j'avais soigneusement enfermée, celle qui désirait se libérer et plonger dans les profondeurs sombres de son monde. Mais je ne pouvais pas. C'était inacceptable. Je ne pouvais pas me permettre d'être vulnérable face à lui, de lui donner ce pouvoir sur moi.

Une voix douce mais inattendue me surprit.

— Pourquoi ne te joins-tu pas aux autres pour célébrer notre victoire ?

heart of the AbyssWhere stories live. Discover now