Chapitre 6

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Je m'étais réveillée aux premières lueurs de l'aube, le corps encore lourd de fatigue, mais l'esprit embrouillé par les images tourmentées qui avaient hanté mon sommeil. Une légère brume matinale enveloppait la pièce, filtrant doucement à travers les rideaux, créant une atmosphère feutrée. Une servante, discrète comme une ombre, avait silencieusement déposé un plateau sur la petite table près de la fenêtre. 

Le repas, bien que somptueux, n'éveillait en moi aucun appétit. Des fruits exotiques aux couleurs vibrantes côtoyaient des tranches de pain frais encore tiède, accompagnés de viandes fumées dont l'odeur alléchante flottait dans l'air. Mais mon estomac, noué par l'anticipation, refusait de coopérer. Même la tasse de thé, dont le parfum apaisant emplissait la pièce, demeurait intacte.

- Deimos vous attend en bas, mademoiselle, murmura la servante en s'inclinant respectueusement. Ses yeux restaient baissés, ne cherchant pas à croiser les miens. Il a demandé à ce que vous soyez prête pour un voyage.

À ces mots, la somnolence qui m'embrumait encore se dissipa instantanément. Un frisson d'anticipation traversa mon corps, me réveillant complètement. 

Deimos

Ce nom avait le pouvoir d'éveiller en moi des sentiments contradictoires fascination et crainte entremêlées. Le fait qu'il me convoquait pour un voyage augmenta encore la tension déjà palpable. Que m'attendait-il exactement ?

Je me dirigeai vers l'armoire, songeant au vêtement le plus adapté. Je devais être à la fois prête à l'action et paraître imperturbable, même si intérieurement mes doutes me dévoraient. Mes doigts glissèrent sur divers tissus, avant de s'arrêter sur un pantalon en toile épaisse, d'un vert profond, idéal pour la liberté de mouvement. C'était un choix pratique, mais qui gardait une certaine élégance. Je choisis ensuite un corset noir, brodé de motifs subtils évoquant des symboles magiques anciens, un rappel de mon héritage de sorcière, aussi noir que mon passé. Le vêtement, bien que moulant, offrait un confort surprenant, tout en soulignant ma silhouette avec finesse.

Pour compléter la tenue, j'optai pour une longue cape, assortie au pantalon, d'un vert si sombre qu'elle paraissait presque noire. Elle tombait jusqu'à mes chevilles, enveloppant ma silhouette d'une ombre protectrice. La doublure épaisse me permettait d'affronter le froid mordant des terres que nous traverserions peut-être, tout en ajoutant une touche de mystère à mon allure. J'attachai mes cheveux en une tresse relâchée, laissant quelques mèches encadrer mon visage pâle et fatigué. Une cascade brune retombait sur mon dos, contrastant avec la couleur sombre de la cape.

Je me dirigeai vers le miroir, mes yeux bleus croisant mon propre regard. Mon reflet renvoyait l'image d'une femme fatiguée, marquée par les épreuves, mais dont la détermination restait inébranlable. La fatigue était là, visible dans les cernes sous mes yeux, mais une lumière indomptable brillait dans mes prunelles.

Le hall du manoir s'étendait devant moi, vaste et imposant, chaque recoin chargé d'une histoire ancienne. Les murs, recouverts de tapisseries aux motifs complexes et de portraits sévères, semblaient témoigner de siècles d'intrigues et de pouvoir. Les visages immortalisés dans ces cadres dorés me suivaient du regard, silencieux témoins d'un passé oublié. Alors que je descendais les escaliers en colimaçon, chacun de mes pas résonnait dans le silence solennel qui régnait dans le lieu. Le bruit de mes bottes sur le sol de marbre était le seul son, marquant mon avancée dans ce sanctuaire de mystères.

À mesure que j'approchais du bas des marches, Deimos et Nyxarys se dessinèrent dans mon champ de vision. Ils se tenaient près de l'entrée principale, côte à côte, comme deux sentinelles veillant sur un seuil sacré. Leur présence imposante semblait dominer l'espace autour d'eux, rendant l'atmosphère encore plus lourde de tension. Mais ce qui me frappa le plus fut leur ressemblance. Leurs traits similaires, cette même aura d'autorité mêlée de danger, me troublaient plus que je ne l'aurais voulu. Pourtant, il y avait des nuances subtiles qui les différenciaient.

heart of the AbyssWhere stories live. Discover now