Chapitre 8

40 6 0
                                    

Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. Chaque fois que je tentais de trouver le sommeil, les images de la forêt revenaient, terriblement vives, me plongeant dans un abîme de souvenirs que j'avais désespérément tenté d'oublier. Ce que j'avais vécu n'était pas simplement une épreuve; c'était un rappel cruel de mon passé, de ces moments que j'avais passés à fuir, mais qui continuaient à me hanter, peu importe à quel point j'essayais de les enfouir.

Les premières lueurs de l'aube perçaient à peine à travers les rideaux épais du manoir, mais déjà, je savais que le repos m'échapperait encore. Les images tournaient en boucle dans mon esprit, déformées, amplifiées par la peur et le traumatisme. Chaque ombre dans la pièce me rappelait cet instant où tout avait basculé, où j'avais perdu le contrôle de ma propre vie.

À l'époque, j'avais dix-neuf ans, une jeune sorcière encore naïve, croyant que mes pouvoirs me protégeraient de tout. J'étais si pleine d'espoir, convaincue que rien ne pouvait m'arrêter. Je me souviens précisément du jour où tout a changé. Je m'étais aventurée seule dans une forêt, à la recherche de champignons rares, essentiels pour une potion que je préparais. J'avais entendu des rumeurs sur ces bois, des histoires chuchotées autour des feux de camp, mais je n'avais pas pris les avertissements au sérieux. J'étais jeune, imprudente, et aveuglée par l'arrogance de ma jeunesse. Je croyais que rien ne pouvait m'arriver. Mais je m'étais trompée.

Sans le savoir, mes pas m'avaient conduite dans les terres de Deldùwath, un nom qui, à l'époque, ne signifiait rien pour moi, mais qui aujourd'hui était gravé dans ma mémoire comme un symbole de terreur et de douleur. Deldùwath n'était pas un druide ordinaire. Là où les autres se dévouaient à la protection de la nature et à l'harmonie avec les éléments, il ne voyait en la magie qu'un outil de pouvoir, une arme à brandir pour assouvir sa soif de vengeance. Son nom murmurait la peur à travers les landes, mais moi, aveuglée par mon ignorance, j'avais franchi les frontières de son territoire sans méfiance, inconsciente du danger qui m'attendait.

Ma première rencontre avec lui fut le début de mon cauchemar. Je me souviens de la façon dont l'air semblait se figer autour de moi, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Le silence qui pesait était si épais qu'il en devenait assourdissant, un silence surnaturel qui dévorait tout bruit de la forêt, toute vie. J'avais senti une présence avant de le voir, une ombre mouvante parmi les arbres, une obscurité qui ne se contentait pas d'être absente de lumière, mais qui semblait la dévorer, la consumer jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien d'autre que le vide.

Je fermai les yeux, tentant de chasser ces souvenirs, mais au lieu de disparaître, ils s'intensifièrent, me projetant en arrière, dans cette journée fatidique où tout avait commencé.

Mes pieds nus foulaient la mousse épaisse de la forêt, sa douceur contrastant avec la fraîcheur matinale. Les oiseaux chantaient autour de moi, leurs mélodies joyeuses se mêlant à mon propre chant. J'étais insouciante, le cœur léger, alors que je cherchais les champignons magiques que j'espérais trouver. Je voulais impressionner le coven, leur montrer que, malgré mon jeune âge, j'étais capable de réussir des potions complexes. Ma robe blanche longue flottait légèrement autour de mes jambes, se mouvant au gré de la brise, ajoutant une touche de pureté et d'innocence à ce tableau paisible.

Au loin, je vis enfin ce que je cherchais. Les champignons rares, avec leurs chapeaux rouges ornés de taches blanches, étaient regroupés à la base d'un vieux chêne imposant. Un chêne qui semblait avoir traversé des millénaires, gardien silencieux de cette forêt ancestrale. Mon cœur s'emballa à cette vue, et je m'avançai rapidement vers eux, sans la moindre inquiétude. À cet instant, le monde me paraissait sûr, et mes pensées n'étaient occupées que par la fierté d'une future réussite.

heart of the AbyssWhere stories live. Discover now