Chapitre 12

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Les flammes du feu de camp dansaient devant moi, projetant des ombres vacillantes sur mon visage, comme si elles cherchaient à dévoiler mes tourments intérieurs. Il était tard, bien trop tard pour rester éveillée, mais quelque chose en moi refusait de céder au sommeil. 

Le camp, désormais silencieux, semblait aussi déserté que mon esprit, vidé de tout espoir, mais rempli d'angoisses. Les démons s'étaient retirés dans leurs tentes pour se préparer à la bataille de demain, une guerre sanglante qui déciderait de leurs survie. Pourtant, je ne pouvais me résoudre à quitter ce feu, comme si la chaleur des flammes était la seule chose capable de me retenir dans ce monde.

Je restais figée, captivée par les crépitements qui résonnaient dans la nuit, par le mouvement hypnotique des braises rougeoyantes qui montaient vers les étoiles. Chaque étincelle, chaque craquement semblait refléter mes pensées confuses, mon esprit agité qui ne cessait de tourner en rond. Les événements récents, les révélations troublantes sur la prophétie, Deimos... 

tout me hantait.

Le silence du camp, aussi épais que la nuit qui nous enveloppait, pesait lourdement sur mes épaules. J'étais seule, isolée dans cette réalité qui n'était pas la mienne, dans un monde où je ne comprenais ni les règles, ni les lois. Et c'était là toute l'ironie : j'avais combattu à travers les siècles, j'avais fait couler le sang, j'avais même pris plaisir parfois à tuer. Mais ici... tout me semblait différent. Je n'avais aucune idée de ce qui m'attendait vraiment.

Mon cœur battait trop fort dans ma poitrine, tel un animal sauvage prêt à s'échapper de sa cage. J'avais combattu des centaines de fois avant cela, traversant les siècles en observant des batailles se dérouler sous mes yeux, goûtant à la frénésie de la violence, à ce goût métallique du sang dans l'air. J'avais tué. Oui, j'avais pris un plaisir sombre à infliger la souffrance, à entendre les cris de mes ennemis, à voir la peur se graver sur leurs visages. C'était grisant, presque enivrant. Mais cette fois... c'était différent.

Je n'étais pas chez moi. Ce n'était pas mon terrain de jeu, mon royaume où je pouvais imposer ma volonté. Ici, tout m'était étranger. Le ciel, avec ses constellations inconnues, les étoiles qui brillaient comme des témoins lointains, même l'air semblait chargé d'une énergie étrangère. Je pouvais sentir l'essence même de ce monde peser sur mes épaules, écrasante, menaçante, comme une main invisible qui me maintenait au sol. Pire encore, je ne comprenais rien à la magie qu'ils manipulaient ici, cette force sombre et brutale qui semblait tordre la réalité elle-même.

Ces démons n'étaient pas des adversaires comme les autres. Ils pouvaient invoquer des ombres vivantes, des créatures nées des ténèbres les plus profondes, les tissant dans des formes cauchemardesques. Leur pouvoir semblait sans limite, comme s'ils dansaient avec les forces de la nuit elle-même. Et moi, je me tenais là, perdue et désorientée, à contempler cette marée noire qui se dirigeait vers moi, une mer d'incertitude et de danger.

Je repensais à tout ce que j'avais appris au fil des années, aux sortilèges que j'avais maîtrisés, aux incantations murmurées dans l'obscurité, à la façon dont j'avais forgé mes propres pouvoirs à travers la douleur et le sacrifice. Mais ici, cela ne suffisait peut-être pas. Ces démons, avec leurs rituels sanglants et leur connexion aux ténèbres, ne jouaient pas selon les règles que je connaissais. Ils façonnaient leur propre réalité, et moi, pour la première fois depuis des siècles, je me sentais complètement perdue. La peur, que j'avais cru avoir enterrée au fond de mon être, remontait à la surface comme une bête assoiffée, prête à m'engloutir.

Les souvenirs des batailles passées défilaient dans mon esprit, mais aucun d'entre eux ne me préparait à ce que j'allais affronter demain. Le regard de Deimos, son sourire glacial, le silence inquiétant de Nyxarys, l'expression provocante de Cali et l'aura imposante de Draethos... Ils étaient tous prêts. Ils savaient comment manipuler ce monde, comment l'utiliser à leur avantage. Mais moi, je n'étais qu'une étrangère dans cette réalité tordue, une sorcière qui, pour une fois, ne contrôlait plus rien.

heart of the AbyssWhere stories live. Discover now