Chapitre 13

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RONAN

Ronan resta debout dans la cuisine, le souffle court, fixant l'endroit où Soren s'était tenu quelques secondes plus tôt. Il se passa la langue sur les lèvres, encore ébranlé par ce qu'il venait de faire. Ce baiser. C'était lui qui l'avait provoqué, saisi par une impulsion irrépressible. Soren avait été pris de court, mais Ronan savait exactement ce qu'il avait voulu à cet instant.

Il avait voulu le dominer, le surprendre, lui montrer qu'il pouvait le maîtriser. Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'était l'ampleur de la passion qu'il ressentirait. Comme un brasier qui consumait tout sur son passage, le laissant pantelant, la tête pleine de questions. Ce baiser avait tout bouleversé, et maintenant qu'il se retrouvait seul, un vide étrange s'insinuait en lui.

Ronan serra les poings, essayant de reprendre le contrôle. Mais plus il y pensait, plus il sentait ce sentiment s'ancrer en lui : il était tombé amoureux de Soren. L'idée le frappait comme un éclair, violente et inévitable. Comment cela avait-il pu se produire ? Lui, qui avait juré de ne jamais aimer, de ne jamais se laisser piéger par ce sentiment qu'il avait toujours méprisé. Mais maintenant, il n'y avait plus de doute.

Son esprit fut submergé par des souvenirs lointains. Lentement, il se revit enfant, marchant dans les longs couloirs froids de la demeure familiale. Ses parents étaient des silhouettes sombres, distantes, leur présence pesante comme une ombre qui couvrait sa vie. Il se rappela leur regard sévère, toujours empreint de dédain.

Il se souvenait du jour où, enfant, il s'était risqué à demander un câlin à sa mère. Il était rentré de l'école, le genou écorché après une chute. Son petit cœur battait à tout rompre, cherchant désespérément une forme de réconfort. Mais quand il s'était approché d'elle, espérant recevoir ne serait-ce qu'un geste d'affection, elle l'avait repoussé avec dégoût.

"Ronan, cesse de pleurnicher," avait-elle lancé d'une voix froide. "L'amour, c'est pour les faibles. Et l'amour n'arrive qu'une seule fois, et sûrement pas pour toi."

Les mots s'étaient gravés dans son esprit, une marque indélébile. Son père, assis à quelques mètres, n'avait pas bronché, l'air indifférent. Pour eux, il n'était qu'un héritier, une future arme dans les affaires familiales, et certainement pas un enfant à aimer. Chaque tentative de se rapprocher d'eux s'était soldée par le même rejet, la même indifférence glaciale.

Plus tard, il avait compris que leur vision de l'amour était tordue, biaisée par le pouvoir et la manipulation. L'amour n'était pour eux qu'un outil de contrôle, une faiblesse à exploiter chez les autres. Alors, Ronan avait appris à bâtir des murs autour de son cœur, se promettant de ne jamais tomber dans le piège. L'amour, c'était une farce. Un mensonge que les autres se racontaient pour se sentir moins seuls.

Et pourtant, à cet instant, seul dans cette cuisine, il sentait ses résolutions s'effriter. Le baiser qu'il avait partagé avec Soren l'avait ébranlé bien plus qu'il n'aurait voulu l'admettre. La façon dont Soren avait réagi, entre surprise et colère, avait éveillé en lui quelque chose de profond, de viscéral. C'était un désir brûlant, mais aussi une envie d'être vu, d'être compris.

Il ferma les yeux, essayant de chasser ces pensées, mais un autre visage surgit dans sa mémoire : Evelyn. Elle avait été une présence constante dans sa vie, un baume sur ses plaies d'enfance. Mais l'avait-il réellement aimée, ou n'avait-il fait que se bercer d'une illusion ? Il se souvenait des moments passés ensemble, des sourires échangés, mais tout cela lui semblait maintenant fade, sans la même intensité que ce qu'il ressentait pour Soren.

"Evelyn...," murmura-t-il, son cœur se serrant légèrement. Avait-il été capable de l'aimer, ne serait-ce qu'une seule fois ? Ou bien avait-elle été simplement une tentative désespérée de combler le vide que ses parents avaient creusé en lui ? Il l'avait respectée, peut-être même admirée, mais l'amour... non, pas comme ce qu'il ressentait maintenant. Avec elle, il n'avait jamais senti cette furie, cette urgence qui l'habitait chaque fois qu'il croisait le regard de Soren.

Il se passa une main dans les cheveux, soupirant profondément. Tout cela n'avait aucun sens. Il était censé être un homme de raison, de contrôle. L'amour était une faiblesse, une distraction qui n'avait pas sa place dans sa vie. Pourtant, il savait qu'il était pris dans ce tourbillon, et que se débattre contre lui ne ferait que l'entraîner plus profondément.

"Comment suis-je tombé si bas ?" pensa-t-il avec un mélange d'amertume et de fascination. C'était ça, aimer ? Une sensation de vertige constant, un mélange de désir et de peur, de puissance et de vulnérabilité ? Chaque fibre de son être lui criait de s'éloigner de Soren, de briser ce lien avant qu'il ne soit trop tard. Mais en même temps, une partie de lui, profondément enfouie, se rebellait contre cette idée. Parce que, pour la première fois de sa vie, il se sentait vivant.

Il rouvrit les yeux, la décision flottant dans l'air lourd de la cuisine. Il ne savait pas où tout cela allait les mener, ni ce que Soren en pensait réellement. Mais une chose était certaine : il ne pouvait plus fuir. Le baiser qu'il avait initié était la preuve irréfutable que quelque chose de plus grand que lui-même se jouait ici.

Ronan serra les dents, fixant le comptoir comme s'il y voyait la réponse à toutes ses questions. Il s'était promis de ne jamais aimer, de ne jamais se laisser emprisonner par ce sentiment. Et pourtant, il se retrouvait piégé, incapable de nier l'évidence.

"Je suis amoureux de lui," se répéta-t-il intérieurement, sentant le poids de cette vérité écrasante. Le baiser avait été le déclencheur, la confirmation de ce qu'il refusait de voir depuis des jours, des semaines peut-être. Soren occupait chaque pensée, chaque désir.

Les fantômes de son passé murmuraient à ses oreilles, mais cette fois, il les repoussa, les reléguant dans l'ombre. Ce qu'il ressentait maintenant était bien réel, bien plus puissant que tout ce qu'il avait connu auparavant. Et pour la première fois, il se demandait s'il n'était pas prêt à laisser l'amour le consumer, quoi qu'il en coûte ou est-ce qu'il était prêt à conclure à une erreur .

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