Chapitre 9

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Nous faisons preuve d'une efficacité hors norme toute la matinée sous le commandement de Tommy afin de nous coordonner. Chen nous a rejoint peu de temps après le début des opérations en apportant la bonne nouvelle : le courant est rétabli. En fin de matinée, nous avons nettoyé deux chambres sur quatre ainsi que la cuisine, si bien que j'ai espoir de finir le ménage complet de la maison dans la journée.

Pour l'heure, alors que je redresse une armoire avec l'aide de Tommy, j'entends le bruit caractéristique du moteur troubler le calme entourant la demeure. Mon acolyte soupire en face de moi en essuyant la sueur de son front :

- Ils ne m'avaient pas manqués...

Je le sermonne d'un regard en prenant la direction des escaliers pour aller accueillir le trio, déjà en train de décharger les caisses dans de bruyantes discussions :

- La prochaine fois, laisse-moi le soin de conduire dans la forêt, se plaint Jules. Je crois que je vais vomir à cause de toi...

- Peu importe qui est au volant, les arbres ne vont pas disparaître, rétorque Mehdi, plus amusé qu'autre chose.

En nous apercevant, ils s'interrompent et Jules nous sourit à pleine dent, oubliant sa nausée en une seconde :

- Les enfants ! Venez nous aider à ranger les courses !

Je pouffe en m'approchant. Cette excursion a eu l'air de leur faire le plus grand bien, ils reviennent plus enjoués que jamais. Grâce à l'aide de tout le monde, le salon se retrouve très vite rempli de sacs blindés de denrées en tout genre. Au moins nous avons de quoi manger, le tout financé par l'empire d'Orient ! Excité comme une puce, Jules s'amuse à nous montrer tout ce qu'ils ont acheté du plus utile au plus inutile.

Peut-être pas la meilleure idée du monde, surtout en la présence de Tommy qui surplombe les sacs de toute sa hauteur, les bras déjà croisés d'énervement...

Lorsque Jules a finalement l'audace de tendre fièrement une grosse boite de café soluble, c'en est trop pour notre chef qui se passe une main sur le visage en soupirant :

- Vous vous croyez en colonie de vacance ?

Jules maugrée gentiment :

- Oh ça va, Tommy, arrête de râler des fois ! Tu seras bien content d'avoir ton café demain matin.

Je me fige.

Jules Riven, heure du décès : 11h47.

L'atmosphère se charge instantanément d'électricité alors que six paires d'yeux se tournent vers Tommy, guettant avec crainte sa réaction. Pour ma part, je me pince les lèvres pour retenir un rire en voyant sa tête. Entre le choc et la colère, notre chef affiche une expression inquiétante, les sourcils froncés et la mâchoire contractée. Son regard est assassin, il retient sûrement une envie indomptable de meurtre.

Je ne pense pas me tromper en affirmant que lui répondre sur ce ton est un privilège qui nous est réservé à Rose et moi.

Heureusement, et je crois que c'est un bien faible mot pour décrire le soulagement qu'il déclenche, Mehdi réagit et trouve le courage de briser la tension qui s'est installée sur le salon en blaguant :

- Jules, ravi de t'avoir connu, annonce-t-il en posant les deux mains sur les épaules de son ami.

Il se retourne vers nous :

- Je vais creuser sa tombe, qui vient m'aider ?

Quelques rires timides se font entendre. Loin d'être traumatisé, le miraculé aux lunettes de soleil reprend sa présentation des courses sous le regard encore plus sévère et intimidant de Tommy. Je rigole intérieurement. Il s'énerve vraiment pour rien, parfois... Voir l'autorité qu'il essaye de se construire auprès de nous bafouée si facilement doit tellement le frustrer, mais de mon côté je m'amuse beaucoup de le voir essayer d'assurer le rôle de chef au mieux malgré la troupe de bras cassés qui l'accompagne. Nous ne lui rendons pas la vie facile...

See No Evil [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant