Chapitre 19

4 1 0
                                    

Tout déraille en un fragment de seconde.

Tommy tire la conclusion en même temps que moi qu'un intrus cherche à s'introduire à l'intérieur et se relève d'un bond, m'entraînant dans son mouvement avant de me lâcher pour saisir l'arme qu'il porte toujours à sa ceinture. Je n'ai pas le temps de m'y préparer. Il tire une fois en l'air, vers le ciel. Alors que son geste provoque l'agitation immédiate parmi les soldats, il me bloque sur place. Je suis incapable de bouger le moindre muscle.

Tout mon corps se met à trembler, mes jambes flanchent et je suis forcée de m'accroupir, les deux mains sur les oreilles dans l'espoir d'empêcher ce bruit affreux de résonner plus longtemps dans mon crâne.

Je panique, parce que quelqu'un est mort. C'est comme ça que ça marche, n'est-ce pas ? Arthur, Sean, le général More, chacun a donné son dernier souffle au son d'un coup de feu. Ce bruit annonce la mort, la culpabilité et la douleur. Ma raison n'existe plus, je suis persuadée que quelqu'un est mort il y a quelques secondes. Tout s'embrouille dans ma tête, le passé, le présent et mes appréhensions, dans un mélange infernal et douloureux.

Autour de moi les soldats s'agitent, Lei a rejoint Tommy avant de suivre ses soldats à l'intérieur. Mon confident s'apprête à leur emboîter le pas, mais j'ai le réflexe de lui attraper la main pour le retenir. Je ne peux pas le laisser quitter mon champ de vision, parce que s'il est là, alors il n'est pas mort. S'il reste avec moi, il ne mourra pas. S'il est avec moi, je suis en sécurité, et ce n'est pas moi qui risque de mourir. Alors je le supplie en serrant sa main le plus fort possible, à défaut de pouvoir lui implorer de rester à l'oral.

Mon visage rempli de larmes est sûrement convaincant car il abandonne son élan pour s'accroupir devant moi. S'il me parle, je n'entends pas. Je ne peux que fixer un point dans le vide alors que mes cauchemars me prennent d'assaut de toutes parts.

Tommy pose ses mains sur mes joues pour me forcer à lever les yeux vers lui. Ses lèvres bougent avec empressement, ses yeux me transmettent l'urgence de la situation. Je me concentre sur son visage pour retrouver mon calme.

- Lise ! Reviens avec moi ! Je suis là, n'aie pas peur.

Sa phrase est ponctuée par une rafale de tirs qui nous parviennent de l'intérieur et qui me font replonger. Cette fois-ci je me recroqueville complètement, les mains sur les oreilles. Je crois que je crie, que je respire bruyamment, mais je n'entends rien d'autre que cette pluie de balles. Ce sera un massacre. Comme sur l'île, la maison va devenir un cimetière. Lorsque j'y retournerai, tous mes amis m'observeront les yeux grands ouverts, vides et éteints.

Je sens Tommy me couvrir de ses bras alors que je continue de sursauter à chaque coup de feu. Ça ne s'arrête jamais. Je suis coincée dans cet enfer.

Je reste tremblante au sol un long moment. Des gens se regroupent autour de moi, la prise de Tommy sur moi se modifie pour qu'il puisse leur faire face et se tenir au courant sans avoir à me lâcher, mais je garde les yeux fermés, les mains sur les oreilles en espérant faire taire ce son ignoble.

En douceur, Tommy me force à libérer mes oreilles. Il me parle sans cesse, si bien que lorsque je capte sa voix, je ne peux pas m'en décrocher :

- C'est fini. C'est fini, Lise. Calme-toi, c'est fini. Tu entends ? Il n'y a plus de bruit, il n'y a plus que moi. Reviens à la réalité...

Lentement, j'accepte de lui faire face, de chercher son regard en espérant qu'il puisse faire taire mes angoisses lâchées en liberté dans mon esprit. Lorsque je comprends qu'il dit la vérité, que nous ne sommes plus en danger, je craque, encore une fois, et me réfugie contre lui sans pouvoir retenir mes sanglots. Il m'accueille quelques secondes avant de m'éloigner, les mains sur mes épaules. Ce n'est pas l'heure de s'attarder dans le réconfort. Je lève la tête vers lui pour capter son regard alors qu'il m'explique :

See No Evil [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant