Chapitre 17

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Les mots silencieux que nous échangeons à cet instant valent plus que n'importe quelle autre parole.

« Je vais bien. »

« Que t'ont-ils fait, Tommy ? »

« Ils ont créé le monstre qui ira les détruire. »

À voix haute, je ne sors qu'un souffle choqué :

- Tommy...

Si ses lèvres s'étirent dans un sourire, ses yeux ne suivent pas le mouvement. Il a l'air à bout de force, à deux doigts de s'évanouir. Ce n'est pas pour rien qu'il a accepté le soutien des soldats orientaux jusqu'à ce qu'il puisse s'appuyer sur moi. Il n'a pas la force de refuser l'aide, peu importe d'où elle vient.

- C'est bon. Aide-moi.

Il passe son bras par dessus mes épaules pour que je l'accompagne. Ce simple geste lui coupe le souffle et ses traits se crispent au réveil d'une énième douleur. Après un temps d'arrêt pour reprendre son souffle sous mon regard inquiet, il remarque :

- Tu es gelée...

Ce n'est pas vraiment le plus inquiétant dans l'immédiat, imbécile !

Sa voix est si faible, sa gorge si serrée qu'il semble retenir un cri de douleur à chaque mot. Je me retiens à grande peine de lui montrer mon affliction. Je sais que sa fierté l'empêche d'assumer cette souffrance, c'est pourquoi je ne pose pas plus de questions et cache mon trouble au mieux.

Vu comment il s'appuie sur moi, je devine qu'il est vraiment à bout de force, malgré ce qu'il essaye de me faire penser. Il laisse échapper un râle de douleur dès le premier pas, et je resserre ma prise autour de sa taille en priant pour ne pas aggraver ses maux. Je suis déstabilisée de le voir aussi affaibli, tellement que je cherche son regard pour confirmer que je dois bien continuer à avancer. Je ne veux pas lui faire mal. Il ignore ma demande silencieuse pour rester concentré sur son avancée, alors je l'accompagne, résignée. Sa respiration se bloque dès qu'il fait un pas, comme s'il retenait un gémissement à chaque fois. Ma gorge se serre en imaginant tout ce qu'il a pu subir.

En imaginant ses hurlements de douleur.

Lui, le soldat fier et inébranlable, revient parmi nous plus impuissant que jamais. Mon cœur en souffre plus que je ne pensais.

Alors que nous avançons vers le porche, les autres, réveillés par les moteurs, viennent l'accueillir à leur tour. Si certains comme Aurore, Mehdi ou Amina se montrent plus réservés, assez décontenancés par l'état de Tommy, Rose n'hésite pas à montrer son soulagement de le revoir. Jules, pour sa part, reste fidèle à lui-même, franc et inconscient :

- Et ben... T'as une sale gueule...

Jules Riven, heure du décès n°3 : 6h21.

Mon premier réflexe est de jeter un œil à la réaction de Tommy afin d'anticiper une quelconque tentative de meurtre, mais je suis surprise de trouver un léger sourire sur son visage fatigué :

- Toi aussi, Jules, pourtant je ne te le fais pas remarquer tous les jours.

Je me détends alors que la pression redescends aussi vite qu'elle est montée en moi.

- Content de te revoir mec, reprend plus sérieusement Jules.

Tommy se contente d'acquiescer d'un léger hochement de tête, trop épuisé pour ajouter quoi que ce soit. Toujours en appui sur mes épaules, je le guide vers l'intérieur. La colonel Ren nous interpelle dans notre dos avant que nous passions la porte :

- Puis-je m'attendre à un rapport de votre part ?

Je sens que Tommy se redresse inconsciemment face à la colonel. Il n'a pas perdu son comportement exemplaire face à la hiérarchie... Sa fatigue, en revanche, l'empêche de répondre agréablement :

See No Evil [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant