Les Pivoines Du Mal

Chapitre 10 : Toc, toc, toc.

  Le couple n'attendait qu'une chose : que la porte s'ouvre sur leurs deux garçons. La tension dans la pièce était palpable. Le tic-tac de l'horloge résonnait dans un silence presque oppressant, chaque seconde amplifiant l'angoisse. La nuit était tombée, et le noir s'était complètement installé. Les parents, assis non loin de la fenêtre, scrutaient l'obscurité avec une inquiétude grandissante. Vanessa, nerveuse, faisait les cent pas, cherchant désespérément quelque chose à faire pour apaiser son esprit. Elle ouvrait le frigo, jetait un coup d'œil machinal à l'intérieur, puis le refermait avec brusquerie. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle attrapait un verre, le remplissait d'eau sans y toucher, avant de le poser bruyamment sur le comptoir. Quant à Raphaël, bien qu'inquiet, il préférait ne pas laisser transparaître son anxiété. Fort de sa confiance en ses fils, il tentait de maintenir un semblant de calme. Il savait que ses garçons étaient résilients et débrouillards. Il en avait fait, lui aussi, des tas de sorties nocturnes à l'âge d'Adam. Sauf que le temps tournait et qu'il réalisa que ce n'était jamais la même chose quand il s'agissait de ses propres enfants. Sa confiance en ses hommes, comme il aimait les appeler, ne l'empêchait pas de ressentir l'urgence de leur retour. Les minutes semblaient s'étirer, mais il restait stoïque, préférant rassurer Vanessa et maintenir une atmosphère sereine.

- Ça fait trop longtemps, murmura-t-elle, la voix brisée par l'inquiétude. Ils auraient dû être là depuis des heures.

  Raphaël la regarda avec une compassion teintée de frustration. Il partageait sa peur, mais se refusait à céder.

— Ils sont forts, répondit-il doucement. Ce n'est pas une petite balade en forêt qui les arrêtera Vaness.

  Soudain, un bruit de pas feutrés dans la neige se fit entendre à l'extérieur. Le cœur de Vanessa s'emballa, un mélange de soulagement et d'angoisse l'envahissant. Elle resta immobile, tendue, les yeux rivés sur la porte. Ses pensées se bousculaient : devait-elle prendre ses enfants dans ses bras ou les réprimander pour l'inquiétude qu'ils lui avaient causée ? Peut-être ferait-elle les deux à la fois, juste pour sentir leur présence et se rassurer. Mais au lieu d'entendre la porte s'ouvrir, trois coups sourds résonnèrent sur le bois massif.

Toc, toc, toc.

  Un frisson parcourut l'échine de Vanessa. L'inquiétude se lisait dans les yeux de Raphaël, et le couple échangea un regard perplexe. Pourquoi leurs garçons toqueraient-ils ? Ce coup à la porte n'avait rien de normal. Leurs fils ne frapperaient pas pour rentrer, ils savaient que la porte était ouverte. Sans leur laisser une minute de réflexion supplémentaire, le mystérieux visiteur insista, frappant une nouvelle fois. Chaque coup, espacé de quelques secondes, semblait plus lourd que le précédent, faisant monter une tension insidieuse.

Toc, toc, toc ...

  Le bruit résonna dans la maison, lourd et déterminé. Vanessa sentit son cœur s'accélérer. Les parents ne s'étaient pas quittés des yeux, partageant ce même regard soucieux et ce sentiment d'appréhension. Qui pouvait bien frapper à leur porte à une heure aussi tardive et par une nuit aussi sombre ? La curiosité et l'inquiétude mêlées, ils se dirigèrent ensemble vers la porte pour découvrir l'identité de l'étrange visiteur qui insistait à l'extérieur. Et s'il était arrivé quelque chose aux enfants ?

  L'inconnu se tenait là, devant Vanessa, avec un bouquet de pivoines blanches, accompagné d'une femme au visage très amaigri. La posture de l'homme était impeccable, droite et rigide, témoignant d'une confiance inébranlable. Chaque détail de sa tenue semblait avoir été soigneusement choisi pour refléter un contrôle total sur son apparence. Son costume ajusté soulignait sa stature, et chaque pli de son chemisier transmettait une perfection obsessionnelle. Ses traits du visage, taillés comme des statues, semblaient figés dans une expression de confiance implacable. Ses yeux bleus, d'une intensité glaçante, regardaient le monde avec une assurance que peu pouvaient égaler. Vanessa ressentit un frisson, reconnaissant cet homme, mais l'angoisse la saisit lorsqu'elle réalisa qu'elle ne parvenait pas à mettre un nom sur cette personne. Son visage et ses yeux lui semblaient familiers, mais le vide émotionnel qu'il dégageait l'empêchait de l'associer à qui que ce soit. Ce blocage mental n'était pas dans les coutumes de Vanessa. D'habitude si sûre d'elle, elle était désormais confrontée à une panique sourde. Comme si son propre cerveau tentait de la protéger en effaçant des souvenirs douloureux. La peur s'empara de la pièce, imprégnant l'atmosphère de tension.