Chapitre 10

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Le vent froid qui balayait la grande salle du trône semblait porter avec lui l'écho des exécutions qui se déroulaient de plus en plus fréquemment à l'extérieur du palais. Les murmures inquiets des courtisans n'avaient pourtant aucun effet sur Seraphina, assise sur le trône avec une grâce impérieuse. Ses ordres étaient devenus la loi, une loi cruelle qui frappait sans pitié quiconque osait la défier.

Seraphina se leva de son trône, ses longs cheveux noirs flottant derrière elle comme un voile d'ombre. « Aujourd'hui, le royaume renaît, » déclara-t-elle, sa voix claire résonnant dans la salle. « Seuls les plus forts survivront. Et pour cela, il faut éliminer la faiblesse, l'indécision, et la trahison. »

À ses côtés, Kaelan observait en silence, le visage fermé, mais le cœur serré. Chaque nouvelle exécution, chaque nouveau décret impitoyable semblait alourdir un peu plus le fardeau qu'il portait. Il savait que ce que Seraphina faisait était mal, que cette violence insensée finirait par détruire le royaume qu'elle prétendait protéger. Mais chaque fois qu'il croisait son regard enflammé de détermination, ses résolutions vacillaient.

Le bruit sourd des portes s'ouvrant interrompit ses pensées. Arden et Thorian, les parents d'Elysia, entrèrent dans la salle, leurs visages marqués par l'inquiétude, mais empreints d'une dignité inébranlable. Ils s'inclinèrent respectueusement devant la reine, mais Seraphina perçut immédiatement l'ombre de désapprobation dans leurs yeux.

« Majesté, » commença Arden, sa voix posée mais ferme. « Nous avons entendu parler des derniers décrets. Nous craignons que de telles méthodes ne sèment plus de discorde que d'ordre dans le royaume. »

Seraphina leur offrit un sourire glacé. « Vos préoccupations sont notées, Arden. Cependant, je doute que vous compreniez pleinement l'étendue de la menace qui pèse sur Valoria. Seuls des actes décisifs peuvent préserver notre royaume de la destruction. »

Thorian, le visage grave, s'avança à son tour. « Néanmoins, Majesté, chaque vie prise dans la peur et la terreur affaiblit le royaume. La loyauté ne se gagne pas par la force brute, mais par la confiance. »

Le sourire de Seraphina s'effaça. Elle fixa Thorian d'un regard perçant. « La loyauté, général, doit parfois être imposée par des moyens que seuls les vrais leaders comprennent. »

Arden échangea un regard inquiet avec son mari, conscient de la frontière dangereuse sur laquelle ils marchaient. « Nous souhaitons seulement que vous considériez d'autres approches, Majesté. Pour le bien de votre règne... et de votre peuple. »

Le silence qui suivit leur déclaration semblait lourd de menace. Seraphina les observa un instant, ses yeux se plissant légèrement. Puis elle hocha la tête, d'un geste calculé qui se voulait rassurant.

« Vos conseils sont appréciés, » répondit-elle d'un ton qui ne laissait place à aucune réplique. « Vous pouvez disposer. »

Arden et Thorian s'inclinèrent à nouveau, plus bas cette fois, avant de quitter la salle du trône, l'esprit troublé par cette rencontre.

Plus tard, Kaelan fut convoqué dans les appartements privés de Seraphina. La reine l'attendait, debout près de la fenêtre, observant le coucher de soleil qui teintait le ciel de nuances sanglantes. Le rouge et l'or du crépuscule se reflétaient sur son visage, accentuant la dureté de ses traits.

« Kaelan, » dit-elle sans se retourner, sa voix douce mais teintée de cette autorité glaciale qui le captivait et l'effrayait à la fois.

« Oui, Majesté ? » répondit-il en s'approchant, tentant de dissimuler le malaise qui le rongeait.

Seraphina se tourna enfin vers lui, ses yeux brillant d'une lueur qui ne présageait rien de bon. « Nous avons un problème. Un problème qui doit être résolu rapidement et discrètement. »

Kaelan sentit son cœur se serrer. Il savait où cette conversation allait le mener, et il savait également qu'il n'y avait aucune échappatoire.

« Vous parlez de mes parents, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, la gorge nouée.

Seraphina hocha lentement la tête, approchant de lui pour poser sa main glaciale sur la sienne. « Ils ont montré des signes de faiblesse. Ils doutent de ma capacité à régner et remettent en question mes méthodes. Je ne peux pas permettre cela, Kaelan. Pas même de la part de ta famille. »

Il baissa les yeux, incapable de soutenir son regard, une douleur sourde montant en lui. « Vous... voulez que je les élimine ? »

« Ils sont une menace, » répondit-elle avec une froideur implacable. « Et il n'y a personne d'autre en qui j'ai autant confiance pour cette tâche. Je sais que tu feras ce qu'il faut, pour moi, pour notre royaume. »

Kaelan se figea, ses pensées se bousculant dans un tumulte. Il aimait Seraphina, de tout son cœur. Mais pouvait-il vraiment tuer ses propres parents ? Il se remémora les visages de ceux qu'il avait déjà exécutés sur ses ordres, leurs supplications, leurs vies arrachées. Était-il prêt à ajouter ses parents à cette liste macabre ?

Mais le regard de Seraphina, ce mélange de séduction et de menace, l'enveloppa, et il sut qu'il n'avait pas le choix. Il acquiesça doucement, la voix éteinte par la culpabilité qui le rongeait déjà.

« Je ferai ce qu'il faut, » murmura-t-il.

Seraphina sourit, un sourire qui n'avait rien d'humain, et caressa doucement son visage. « Je savais que je pouvais compter sur toi, Kaelan. C'est pour cela que je t'aime. »

Elle l'embrassa, un baiser empoisonné qui scella son destin. Kaelan ferma les yeux, s'abandonnant à ce moment de douceur illusoire avant de se retirer pour accomplir sa sombre mission.

La nuit était déjà tombée lorsque Kaelan atteignit la demeure de ses parents. L'obscurité régnait autour de lui, pesante, et le silence n'était perturbé que par le bruit régulier de ses pas. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent, comme si le sol lui-même tentait de l'engloutir pour l'empêcher de continuer.

Il s'arrêta devant la porte, son cœur battant à tout rompre. C'était ici que tout se jouait. Sa loyauté à Seraphina contre son amour pour sa famille. La main posée sur le pommeau de son épée, il hésita, sa respiration se faisant plus rapide.

Les souvenirs affluèrent, des souvenirs de moments heureux passés avec ses parents, de l'éducation stricte mais aimante qu'ils lui avaient donnée. Il se revit enfant, courant dans le jardin sous le regard protecteur de son père, ou encore écoutant les histoires épiques que sa mère lui racontait avant de dormir.

Mais ces souvenirs, aussi puissants soient-ils, ne suffisaient plus à le sauver de l'abîme dans lequel il était tombé. Le visage de Seraphina, son amour pour elle, sa soif de pouvoir et de reconnaissance, tout cela l'emprisonnait dans une spirale de destruction dont il ne pouvait plus sortir.

Il leva la main pour frapper à la porte, mais hésita à nouveau, ses doigts tremblant légèrement. La décision était prise, mais l'acte restait insupportable. L'amour pour Seraphina, la loyauté envers la reine et le devoir l'emportaient sur tout le reste, et pourtant, chaque fibre de son être se révoltait contre ce qu'il s'apprêtait à faire.

Kaelan inspira profondément, cherchant à apaiser son esprit en proie au doute. Puis, d'un geste lent et résolu, il frappa doucement à la porte. Le son résonna dans la nuit silencieuse, annonçant l'arrivée du destin sous la forme d'un fils prêt à trahir tout ce qu'il avait autrefois tenu pour sacré.


Les Ombres de ValoriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant