Chapitre 25

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La lumière douce du crépuscule filtrait à travers les lourdes tentures de la salle du trône, baignant la pièce d'une teinte dorée. Kalean se tenait debout près des grandes portes, les yeux rivés sur les hommes qui revenaient de leur mission. Leurs visages fermés et fatigués parlaient d'eux-mêmes : ils étaient revenus bredouilles, une fois de plus.

Le chef des éclaireurs s'avança, s'arrêtant à quelques pas de Kalean. « Seigneur, » dit-il en s'inclinant légèrement, « nous avons fouillé chaque recoin de la forêt, exploré les cavernes et scruté les montagnes environnantes. Il n'y a aucune trace de votre sœur ni de ses alliés. »

Kalean resta silencieux, ses mâchoires serrées, ses poings fermés à ses côtés. Chaque jour qui passait sans nouvelles d'Elysia ajoutait une couche supplémentaire de frustration et d'inquiétude. Comment une jeune femme, même aussi habile qu'Elysia, pouvait-elle échapper à des hommes aussi entraînés ?

Seraphina, assise nonchalamment sur le trône qu'elle avait fait orner de nouveaux symboles, leva les yeux de l'enfant qu'elle berçait doucement dans ses bras. Elle observa les éclaireurs avec un léger sourire moqueur avant de poser ses prunelles glaciales sur Kalean.

« Peut-être que ta chère sœur n'est plus de ce monde, » suggéra-t-elle d'une voix douce mais empreinte de sarcasme. « La forêt est pleine de dangers, des créatures affamées qui ne feraient qu'une bouchée d'une proie affaiblie comme elle. »

Kalean détourna son regard des hommes pour se tourner vers Seraphina. Il la fixa avec intensité, secouant doucement la tête. « Elysia n'est pas morte, » rétorqua-t-il d'un ton tranchant. « Elle est vivante, quelque part, et elle se cache. Mais je la trouverai. »

Seraphina haussa les épaules, comme si l'idée d'une Elysia dévorée par des bêtes sauvages ne lui posait aucun problème. « Si elle est en vie, elle finira par faire une erreur. Et alors, nous serons prêts. » Un sourire amusé effleura ses lèvres. « Quoi qu'il en soit, elle ne représente plus une menace immédiate. Nous avons plus important à gérer. »

Kalean hocha la tête, mais son esprit était ailleurs. Les éclaireurs furent congédiés, et Seraphina, après avoir donné quelques ordres aux gardes, se leva du trône, le bébé toujours contre elle. Elle s'approcha de Kalean, son regard se faisant plus doux, presque affectueux.

« Tu te fais trop de souci, mon roi, » murmura-t-elle en posant une main délicate sur son bras. « Nous avons remporté la victoire. L'avenir est à nous, et à notre fils. »

Mais Kalean ne pouvait pas partager son optimisme. « Je vais aller voir notre fils, » déclara-t-il brusquement, sentant un besoin impérieux de s'éloigner, même pour quelques instants, de cette femme qu'il avait autrefois aimée sans réserve, mais dont les ombres devenaient chaque jour plus lourdes.

Seraphina lui jeta un regard intrigué mais ne dit rien. Elle savait que Kalean avait besoin de ces moments de solitude pour réfléchir. Alors elle le laissa partir, un sourire satisfait aux lèvres, tandis qu'elle retournait à ses propres affaires.

Kalean marcha d'un pas lourd à travers les couloirs du palais, ses pensées tournoyant dans un chaos silencieux. Quand il atteignit enfin la chambre où dormait son fils, il sentit une vague d'émotion le submerger. Il referma doucement la porte derrière lui et s'approcha du berceau.

Le nourrisson, paisible, dormait sous une couverture brodée d'or et d'argent. Kalean observa ce petit être avec une intensité nouvelle, les questions qui l'assaillaient chaque jour devenant plus insupportables. Il tendit une main hésitante, caressant doucement la joue du bébé, le contact de la peau douce l'apaisant légèrement.

Mais les questions demeuraient. Quel avenir pouvait-il offrir à cet enfant ? Le destin du royaume reposait maintenant sur ses épaules, mais chaque jour lui semblait plus lourd que le précédent. Il avait accepté le rôle de roi pour Seraphina, pour cet enfant, mais en lui, il savait qu'il n'avait jamais été fait pour régner. Il était un soldat, un homme de guerre, pas un souverain.

« Seras-tu comme ta mère ? » murmura-t-il, la voix rauque. « Deviendras-tu aussi impitoyable qu'elle, aussi froid ? Ou as-tu une chance d'être différent, de connaître une autre voie ? »

Il n'avait aucune réponse à offrir à ces questions, et c'était cela qui le torturait le plus. Il pensa à Elysia, à ses parents, à tout ce qu'il avait perdu pour arriver là où il était aujourd'hui. Le trône, ce symbole de pouvoir et de grandeur, n'était qu'un fardeau. Un fardeau qu'il avait accepté par amour, mais qui maintenant l'étouffait.

Seraphina, avec toute son ambition et son implacabilité, ne voyait que la victoire. Mais Kalean... Kalean voyait la destruction, les cendres de tout ce qu'il avait aimé autrefois. Il se redressa, secouant la tête, essayant de chasser ces pensées. Mais elles s'accrochaient à lui comme des ombres, le suivant où qu'il aille.

Il resta ainsi, debout devant le berceau, regardant son fils qui dormait paisiblement, ignorant encore le poids du monde qui pesait déjà sur ses petites épaules. Kalean savait qu'il devrait prendre des décisions difficiles, peut-être impossibles, dans les jours à venir.

Les mots de Seraphina résonnaient dans son esprit, mais il ne pouvait se défaire du doute qui s'immisçait en lui. Il avait tué pour ce royaume, pour elle, mais à quel prix ? Son âme, qui avait autrefois été pure dans sa loyauté et son amour pour sa famille, était désormais en lambeaux.

Une légère brise fit frémir les tentures, ramenant Kalean à la réalité. Il s'écarta du berceau, laissant son fils à son sommeil. Alors qu'il se dirigeait vers la porte, un poids lourd sur sa poitrine, il s'arrêta un instant, jetant un dernier regard sur l'enfant.

« Que les dieux te protègent, » murmura-t-il. « Que tu ne deviennes pas ce que je suis devenu. »

Avec ces mots, Kalean quitta la pièce, la porte se refermant derrière lui dans un silence lourd de promesses non tenues et de rêves brisés. Les couloirs du palais résonnaient de ses pas, échos solitaires d'un homme qui se demandait encore combien de temps il pourrait supporter ce rôle qu'il n'avait jamais voulu, mais qu'il ne pouvait plus abandonner.


Les Ombres de ValoriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant