chapitre 2 Damon

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J'attendais dans mon bureau, les yeux rivés sur l'horloge. Chaque tic-tac résonnait dans le silence de la pièce, amplifiant l'attente. Ce mariage avec Seraphena Belcourt… Un simple contrat, rien de plus. Mes doigts tapotent distraitement le bois poli du bureau, un geste nerveux que j'avais du mal à contrôler. Bien que mes intentions soient claires, une part de moi se demandait comment elle allait réagir.

L'amour ? Je n’envisageais même pas cette possibilité. Ce mariage n'avait rien de romantique. Je n'étais pas un homme d'émotions, du moins pas lorsqu'il s'agissait de ma vie personnelle. Les sentiments, je les laissais à ceux qui avaient le luxe de s'y attarder. Pour moi, cette union n’était qu’une affaire de nécessité, un marché qui servait des intérêts précis.

Mes affaires étaient en jeu, et l'alliance avec les Belcourt me garantissait l'accès à des cercles dont j'avais besoin pour consolider ma position. Leurs ressources, bien que réduites, restaient influentes dans certains milieux où mon seul nom ne suffisait pas. J'avais conscience que le clan Belcourt avait besoin de moi autant que j'avais besoin d'eux, mais je me gardais bien de le leur montrer.

La porte s'ouvrit doucement, interrompant mes pensées. Seraphena entra, droite et fière, un éclat de défi dans le regard. Ses yeux s'évaluent, cherchant des failles. Je remarquai aussi une lueur de peur, subtile, qu’elle tentait de dissimuler. Parfait. Elle devait savoir dans quoi elle s’engageait. Ce n'était pas un conte de fées, et je n'avais aucune intention de l'adoucir.

Elle s'avança d’un pas, ses mains serrées, comme si elle se préparait à un affrontement.

—  Alors, c'est tout ? Tu me proposes un mariage sans même me demander mon avis ? lança-t-elle, sa voix vibrante de colère.

Je haussai les épaules avec une nonchalance calculée, essayant de montrer que je restais imperméable à ses émotions.

— Il ne s'agit ni de toi, ni de moi, Seraphena. C'est une affaire de nécessité.  répondis-je calmement, mon ton aussi froid que l’acier.

Ses yeux s'élargirent, trahissant une pointe de surprise, voire d'insulte. Elle n'avait sans doute pas l'habitude qu'on lui parle ainsi. Mais je ne comptais pas la ménager, ni la convaincre que ce mariage était autre chose qu'un arrangement stratégique.

— Nécessité,  répéta-t-elle, presque pour elle-même.  Est-ce vraiment tout ce que tu as à dire ?

Je la regardai, me demandant si elle comprenait l'étendue de notre situation. Ce n'était pas une question d'opinion ou de sentiment. Nous avions chacun nos raisons d'accepter cette union. Pour elle, c'était sauver sa famille du déshonneur et de la ruine. Pour moi, c'était accéder à une influence qui m'était encore hors de portée. Mes affaires reposaient sur cet accord, mais elle n'avait pas besoin de connaître ces détails. Moins elle en saurait, mieux ce serait.

—  Que veux-tu entendre ?  demandai-je, faisant semblant de m’intéresser.  Que je te promets une vie de bonheur ? Que je m’incline devant toi, la main sur le cœur, et que je te jure amour et fidélité ?

Elle me lança un regard noir, son visage se fermant brusquement. Elle détestait ma franchise. Bien.

—  Ce que je veux entendre ? siffla-t-elle. J’aurais voulu qu’on me demande mon avis, Damon. Un mot, une question. Pas un ordre.

Je restai de marbre, absorbant sa colère comme un mur impassible. Je n'étais pas là pour lui donner le choix. Elle avait beau espérer, j’avais déjà décidé de la direction que prendrait notre conversation.

—  Crois-tu vraiment que ton avis importe dans cette affaire ?  répliquai-je sèchement.  Ce mariage est plus grand que toi et moi, Seraphena. Il s’agit de nos familles, de nos intérêts.

Elle serra les poings, ses jointures blanchissant sous la pression. Je ne pouvais m’empêcher d’admirer sa détermination, même si je savais qu’elle n’avait d’autre choix que d’accepter. Malgré tout, je la respecte pour son courage. Peu de femmes auraient osé s'opposer à moi de cette manière.

— Et que gagnes-tu dans cette histoire ? demanda-t-elle brusquement, un éclat de défi dans ses yeux. Pourquoi as-tu besoin de cette alliance ?

Je la jugeai un instant, pesant mes mots avec soin. Lui révéler mes motivations aurait été inutile, et elle n’aurait pas compris. J'étais un homme qui avait bâti son empire dans l’ombre, utilisant les alliances et les secrets pour consolider ma puissance. Ce mariage n'était qu'une pièce supplémentaire dans ce puzzle complexe.

—  Ce que je gagne n’a pas d’importance pour toi,  dis-je finalement.  Tout ce que tu dois savoir, c'est que ce mariage bénéficiera à ta famille autant qu’à la mienne.

Elle recula légèrement, comme si mes paroles l’avaient frappée. Son regard oscillait entre dégoût et résignation. Elle réalisait sans doute que je n'avais pas l'intention de lui céder un quelconque contrôle.

—  Très bien,  finit-elle par dire, sa voix tremblante mais résolue.  Si tu veux une femme soumise, tu seras déçu.

Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement. Elle ne savait pas encore, mais je n’avais jamais recherché la soumission. Si j’avais besoin d’une épouse, c’était pour des raisons d’ordre pratique. Que Seraphena ait du caractère ne me dérangeait pas. Au contraire, cela pouvait même se révéler utile. La faiblesse, après tout, m’ennuyait profondément.

—  Je ne cherche pas une épouse soumise, Seraphena. Mais une partenaire qui sache respecter les termes de notre accord.

Elle me dévisagea, le souffle court, et je vis dans ses yeux une lueur de compréhension. Elle commençait à saisir l’essence de notre accord. Ce ne serait pas un mariage de compromis, mais un marché où chacun apporterait sa contribution, sans s’attendre à plus.

Nous restâmes un moment en silence, nos regards verrouillés. La tension était palpable, un mélange de méfiance et de résignation qui flottait entre nous. Je savais qu’elle finirait par accepter, car le poids de sa famille pesait autant sur elle que sur moi.

Après un long moment, elle détourna les yeux, signe qu’elle était prête à céder. Je savais qu’elle reviendrait, qu’elle accepterait les termes, car nous n’avions aucun autre choix. En fin de compte, nous étions tous deux piégés par les obligations qui nous dépassaient. Peut-être, avec le temps, nous apprendrions à coexister dans cet arrangement froid mais nécessaire.

Alors qu'elle quittait la pièce, je sentis un étrange mélange de satisfaction et d'amertume. La première étape était franchie, mais le chemin qui nous attendait serait sans doute semé d’embûches. Ce mariage serait une alliance, un marché, mais en aucun cas un pacte d’amour. Et c’était exactement ce que j’avais voulu.

Les sœurs Belcourt. Tom 1 Promesse amèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant