Chapitre 14 Damon

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La nuit est étrangement calme, mais je ne parviens pas à trouver le sommeil. Chaque fois que je ferme les yeux, l’image de Seraphena s’impose à moi, figée dans un instant de vulnérabilité, perdue dans ses pensées. Je n’avais pas prévu de me soucier de son état d’esprit, mais quelque chose en moi se révolte. Qu'est-ce qui me pousse à m’inquiéter pour elle ? Pourquoi son bien-être commence-t-il à compter dans mes préoccupations quotidiennes ?

Je me lève brusquement, incapable de rester immobile dans cette chambre trop vide. Je descends les escaliers en silence, les pensées s’enchevêtrant dans mon esprit. Les conversations récentes, les tensions entre nous, tout cela me semble futile face à ce que je ressens. Pourquoi cette femme, qui représente tout ce que je méprise dans cet arrangement, m’obsède-t-elle autant ?

Je franchis le seuil du salon et découvre Seraphena, assise près de la cheminée. La lumière des flammes danse sur son visage, créant des ombres qui cachent une part de son âme. Elle ne m’entend pas arriver, absorbée par ses réflexions. Je reste un moment, hésitant, l’observant dans ce moment de solitude. C’est une image à la fois touchante et déconcertante.

Finalement, je brise le silence :
—  À quoi penses-tu ?

Elle sursaute, ses yeux s’écarquillant, puis se tourne vers moi. C'est la première fois que nous échangeons un regard sans défi ni mépris. Dans ses prunelles, je vois une lueur d’hésitation, une fragilité que je n’avais jamais remarquée auparavant. Pour un instant, la tension habituelle entre nous s’estompe, laissant place à une curiosité nouvelle.

—  Je pensais… à nous, à cette situation, à ce mariage,  répond-elle finalement, sa voix tremblante.

Ses mots résonnent en moi, et je suis surpris par leur poids. Nous avons souvent évité de discuter de notre union, préférant nous battre l'un contre l'autre, mais maintenant, face à elle, je réalise que nous sommes tous deux piégés dans cette réalité.

Je m’assois sur le canapé, essayant de garder une distance qui semble désormais absente. Pourquoi ai-je l’impression que cette conversation pourrait changer quelque chose entre nous ? L'angoisse de devoir affronter ses émotions, les miennes, me paralyse. Je ne suis pas celui qui s’ouvre facilement.

—  Qu’est-ce qui te dérange le plus ? demandai-je, curieux mais gardant un ton neutre.

Elle se tourne à nouveau vers le feu, comme si la chaleur pouvait l’aider à formuler ses pensées.

— C’est cette impression de ne pas avoir de contrôle,  dit-elle finalement, sa voix presque un murmure.  Je suis ici, dans cette maison, liée à un homme que je ne comprends pas… et cela me terrifie.

J’avale ma salive, une partie de moi se sent soudainement coupable de la situation dans laquelle je l’ai placée. Bien sûr, je savais qu’elle aurait du mal à s’adapter, mais entendre sa vulnérabilité m’ébranle. Je ne peux pas laisser cette faiblesse s'infiltrer dans notre dynamique, et pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir une forme de compassion pour elle.

Il est étrange de constater que, dans un moment de faiblesse, je trouve un écho dans ses mots. Je ressens également cette perte de contrôle, mais je l’ai toujours su : pour moi, ce mariage était un moyen de redorer mon image, de solidifier ma position dans ce monde impitoyable. Mais maintenant, je me demande si j'ai été égoïste en pensant seulement à moi.

—  Je comprends,  dis-je, plus doucement que je ne l'aurais voulu.  Mais tu dois savoir que ce mariage n’est pas juste un fardeau.

Elle me lance un regard interrogateur, surpris, mais je n’ai pas l’intention de lui expliquer mes motivations profondes.

—  Ce mariage est aussi une opportunité. Pour nous deux,  poursuivis-je, essayant de rediriger la conversation.

—  Une opportunité ? Vraiment ? Pour qui, Damon ? Pour toi, ou pour nous ?

Je sens que sa méfiance revient, et c’est une réaction que j’attendais. Mais ce qui est intéressant, c’est que je ne sais plus si je suis prêt à défendre mon point de vue comme je l’avais fait auparavant. Peut-être que, dans un coin de mon esprit, je me suis mis à espérer qu'elle pourrait comprendre ce que je ressens.

— Je sais que cela peut sembler égoïste, mais ce mariage pourrait nous offrir une certaine sécurité,  répondis-je, pesant mes mots. Peut-être même une puissance que nous n’aurions pas en tant qu’individus.

Elle me fixe, analysant mes mots. Il y a une tension palpable entre nous, un besoin de comprendre et d’être compris. Je suis conscient que, malgré la façade de contrôle que je m’efforce de maintenir, je suis en train de me dévoiler à elle, même si cela va à l’encontre de tout ce que j’ai toujours prôné.

—  Et si nous travaillons ensemble ? propose-t-elle, une lueur de détermination dans ses yeux.

C’est inattendu, et ça me fait frissonner. L’idée qu’elle puisse envisager une coopération, un partenariat, me fait réfléchir. Peut-être que, dans cette dynamique, nous pourrions trouver un terrain d’entente.

Je hoche lentement la tête, appréciant l’ouverture qu’elle montre.

— Peut-être. Nous avons encore beaucoup à discuter, dis-je, mon regard fixé sur elle.

Alors que je me lève pour me diriger vers la sortie, je me rends compte que cette conversation n’est pas une simple brise de fraîcheur dans notre relation. Elle marque un tournant. Je ne sais pas encore où cela me mènera, mais je sens que, pour la première fois, nous commençons à briser la glace entre nous.

Avant de quitter la pièce, je lance un dernier regard en arrière.

—  N'oublie pas, Seraphena, il y a toujours deux côtés à chaque situation.

Et sur ces mots, je me retire, le cœur lourd mais étrangement soulagé. Ce moment de faiblesse m’a permis d’entrevoir une possibilité que je n’aurais jamais imaginée : peut-être que ce mariage pourrait devenir quelque chose de plus, quelque chose que ni l’un ni l’autre n’attendait.

Les sœurs Belcourt. Tom 1 Promesse amèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant