Chapitre 9 Seraphena

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Je posai ma valise sur le sol de la chambre, regardant autour de moi avec un mélange d’incrédulité et de résignation. La pièce était somptueuse, ornée de dorures et de meubles anciens, un espace à la hauteur de la puissance et de la richesse de Damon. Pourtant, malgré le luxe apparent, cette demeure me donnait l’impression d’être une prison dorée, oppressante et froide.

En traversant les couloirs, j’avais ressenti une lourdeur dans l’air, comme si chaque mur cachait des secrets et des non-dits. Ici, tout semblait conçu pour m’écraser, pour me rappeler que j’étais désormais sous son emprise. Mais je me fis une promesse : jamais je ne lui montrerais la moindre faiblesse.

Je tournai en rond dans cette chambre qui était désormais la mienne, touchant du bout des doigts les rideaux de velours épais, le bois sculpté du lit à baldaquin, la porcelaine des lampes. Ces objets, aussi beaux soient-ils, ne m’apportaient aucun réconfort. Tout ici semblait froid, sans vie, à l’image de cet homme que je devais désormais appeler « époux ». Chaque fibre de mon être se rebellait contre cette idée, mais je n’avais pas le choix.

Alors que je réfléchissais à ma situation, la porte s’ouvrit brusquement. Damon entra, calme et confiant, chaque mouvement calculé. Je retins ma respiration, me préparant à l’affronter. Il me regarda, un sourire glacial étirant ses lèvres. Je sentais que chaque échange avec lui allait être une bataille, chaque regard, un duel silencieux.

—  J’espère que tu te plais ici,  dit-il, ses yeux scrutant chaque réaction sur mon visage.

Je serrai les dents. Le ton de sa voix, poli mais distant, n’était qu’une autre forme de provocation. J’avais envie de lui dire que je détestais cet endroit, que je le haïssais lui, mais je refusais de lui offrir cette satisfaction. Au lieu de cela, je me contentai de répondre d’un ton mordant :

— Ce n'est qu'un arrangement, n'est-ce pas ?

Sa réaction fut presque imperceptible, mais je vis ses yeux se durcir. Un bref silence s’installa, lourd, oppressant. Il ne se donnait même pas la peine de nier. Ce mariage n’avait jamais été autre chose qu’un simple contrat à ses yeux, une transaction froide et sans âme. Et, en cet instant, je compris que Damon Sangies ne s’intéressait qu’à sa propre réussite, qu’à ses propres plans.

Il fit un pas vers moi, et je me raidis instinctivement, refusant de reculer. Je voulais lui montrer que, malgré tout, je ne craignais pas ses manigances. Je ne serai pas un simple pion dans son jeu.

— Tu aurais pu t’y préparer,  murmura-t-il, sans cesser de m’observer.  Ce n’est pas comme si tu avais eu le choix.

Je sentis une vague de colère monter en moi. Comment osait-il me rappeler mon impuissance, comme si cela n’avait aucune importance ? Ses paroles me brûlaient, et je devais me retenir pour ne pas exploser.

— Tu n’as aucune idée de ce que cela représente pour moi,  répondis-je, la voix tremblante de rage contenue.  Je ne suis pas ici par choix, Damon.

Il haussa les épaules, visiblement indifférent à ma souffrance. À ses yeux, je n’étais qu’un élément parmi d’autres dans une stratégie bien orchestrée. Peut-être même que mon refus et ma colère faisaient partie de ses calculs.

—  Nous sommes tous les deux ici par nécessité,  dit-il calmement, presque avec une pointe de sarcasme.  Mais cela ne change rien au fait que tu es désormais ma femme.

Ce mot, prononcé avec une telle désinvolture, me fit frissonner. Je ne voulais pas être « sa » femme. Mais le choix ne m’avait jamais appartenu. J’étais liée à lui par un contrat, enfermée dans ce mariage qui me semblait aussi étranger qu’injuste. Cependant, je refusais de me laisser écraser.

Une fois seule dans la chambre, après son départ, je laissai échapper un soupir. Je me sentais piégée, impuissante, et pourtant une flamme continuait de brûler en moi. Je ne lui laisserai jamais le plaisir de me voir flancher. Il voulait une épouse docile, mais il se trompait. Je ne jouerais pas ce rôle. S’il pensait que je me plierais à sa volonté, il ne me connaissait pas du tout.

Je me dirigeai vers la fenêtre, observant la nuit qui tombait. La ville, avec ses lumières et son agitation, paraissait si proche et si lointaine à la fois. Je me sentais comme un oiseau en cage, regardant le monde extérieur sans pouvoir l’atteindre. Mais, peu importe ce que Damon croyait, je savais au fond de moi que je trouverais un moyen de m’en sortir. Je n’étais pas de celles qui se laissent abattre sans se battre.

— Tu as peut-être gagné cette bataille, Damon,  murmurai-je à moi-même, mais la guerre est loin d’être terminée.

Je m’assis au bord du lit, essayant de calmer mon esprit. Mais chaque pensée revenait inévitablement à lui. Cet homme, qui se trouvait à quelques mètres seulement, dans une autre pièce, et qui dormait sans doute paisiblement, sans remords, sans scrupules. Je me demandais ce qu’il pensait réellement de cette situation. Pour lui, tout semblait si simple. Un arrangement, un contrat, et rien de plus.

Mais pour moi, c’était un renoncement à tout ce que j’avais jamais espéré. Un mariage de convenance, sans amour, sans compréhension. Comment pourrais-je vivre ainsi ? Je sentais l’amertume me ronger, et malgré moi, une larme roula sur ma joue. Je l’essuyai rapidement, refusant de me montrer vulnérable, même dans la solitude de cette chambre.

Il était hors de question que je baisse les bras. Je m’en ferai un point d’honneur, même si cela signifiait me battre jour après jour. Je savais que les jours à venir seraient difficiles, que chaque confrontation avec Damon allait m’éprouver. Mais je devais m’accrocher à cette lueur d’espoir, à cette flamme qui refusait de s’éteindre.

Avant de m’allonger, je me tournai une dernière fois vers la porte, consciente que de l’autre côté se trouvait l’homme qui m’avait volé ma liberté. Un sentiment de défi s’empara de moi. Peu importe ce qu’il me réservait, je n’étais pas encore prête à plier.

— Quoi qu’il arrive,  murmurai-je dans le silence de la pièce, je ne te laisserai jamais gagner.

Et sur cette promesse, je fermai les yeux, déterminée à trouver la force de me battre, encore et toujours. Peu importe le prix.

Les sœurs Belcourt. Tom 1 Promesse amèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant