Chapitre 4 Damon

10 2 2
                                    

Je savais qu’elle se battrait. Seraphena Belcourt n’était pas du genre à se soumettre, et c’était bien pour cette raison que je l’avais choisie. Une femme trop docile n’aurait pas fait l’affaire. J’avais besoin d’une alliée qui saurait se montrer forte, une partenaire capable de soutenir les apparences et de donner le change dans ce monde hypocrite où nous évoluions.

Je fixai le reflet sombre de ma silhouette dans la vitre de mon bureau, les lumières de la ville se reflétant en arrière-plan. Les rumeurs allaient bon train, j’en étais parfaitement conscient. Dans les salons feutrés et les dîners mondains, les spéculations sur mon mariage avec la fille Belcourt faisaient déjà grand bruit. Les gens aimaient se repaître de ce genre d'histoires. Mais cela ne m’inquiétait pas. À vrai dire, cela m’était parfaitement égal. Qu’ils parlent. Qu’ils spéculent. Cela ne ferait que renforcer mon image, et en fin de compte, c’était tout ce qui comptait.

Une douce satisfaction monta en moi. Seraphena pouvait bien être une adversaire farouche, mais je savais qu’elle finirait par céder. Elle n’avait pas vraiment d’autre choix. Son regard, cet éclat de rébellion que j’avais aperçu lors de notre dernière rencontre, cela ne m’avait pas échappé. Mais je savais aussi qu’au fond, elle se savait coincée. Elle tenait à sa famille autant que moi je tenais à mes ambitions. Et elle plierait, comme tous les autres.

Je fus interrompu dans mes pensées par la voix grave de Gregory, l’un de mes associés les plus proches. Nous étions réunis pour une rencontre informelle, mais il était rare que Gregory ne cherche pas à mettre son grain de sel dans mes affaires personnelles.

—  Pourquoi as-tu choisi Seraphena ?  me demanda-t-il d’un ton légèrement méfiant, les yeux plissés.  Il y avait d'autres options, non ?

Je le regardai calmement, prenant le temps de mesurer ma réponse. Gregory n'était pas un homme que l’on pouvait facilement berner. Mais il n’avait pas besoin de connaître tous les détails de mes motivations. Seules les grandes lignes lui suffiraient.

—  Parce qu'elle est la meilleure option. »répondis-je sans hésiter.

Il fronça les sourcils, visiblement insatisfait de mon manque d’explication.
- Je ne te suis pas. La famille Belcourt est certes influente, mais leurs affaires sont en déclin. D'autres alliances auraient été tout aussi profitables.

Je pris une gorgée de mon verre, laissant la brûlure de l’alcool éveiller mes sens.
- Tu ne comprends pas, Gregory, parce que tu te limites à la surface. Seraphena est bien plus qu’un simple nom de famille. Elle a du caractère, de la ténacité. Ce sont des qualités que j'apprécie, et qui serviront mes intérêts.

Je pouvais lire le doute sur son visage, mais il se garda de poser davantage de questions. Gregory était un homme de calculs et de profits, tout comme moi, mais il ne voyait pas encore les choses sous le même angle. Pour lui, ce mariage semblait une manœuvre ordinaire. Pour moi, c’était un acte stratégique.

—  Je vois… dit-il finalement, ses yeux se posant sur moi avec un éclat de suspicion. Enfin, je suppose que tu sais ce que tu fais. Mais ne te fais pas d'illusions. Si tu penses que la fille Belcourt va se laisser manipuler, tu te trompes peut-être.

Je lui adressai un sourire ironique.
- Ne t'inquiète pas pour moi, Gregory. J’ai prévu tous les scénarios possibles.

Gregory finit par hausser les épaules, se rendant compte que je n’en dirais pas plus. J’appréciais sa prudence, mais je savais qu’il n’était pas en mesure de saisir toute l’envergure de ma démarche. Ce mariage, pour moi, n’était pas une simple alliance. Il représentait un moyen de consolider ma position, de m'ériger en tant que figure incontournable, inébranlable.

Après le départ de Gregory, je restai un long moment seul, méditant sur mes choix. J’avais passé des années à construire cette façade, à m’assurer que personne ne puisse lire en moi. Les émotions étaient un luxe que je ne pouvais pas me permettre. L’amour ? L’amitié ? Ce n’étaient que des faiblesses dont je m’étais volontairement détaché. Mon monde était régi par les calculs, la froide rationalité, et la force brute.

Je pris une autre gorgée, laissant le goût amer de l’alcool se fondre dans ma gorge. Seraphena représentait un défi, un obstacle que je devais surmonter pour atteindre mes objectifs. Et malgré toute sa combativité, elle finirait par comprendre qu’elle n’avait aucune chance. Sa famille était au bord de la faillite, et son mariage avec moi représentait leur dernier espoir. Peu importe la force de sa rébellion, elle plierait sous le poids de ses obligations.

Je me rappelai de ses yeux, ce mélange de défi et de peur. Elle voulait me tenir tête, c’était évident. Mais elle n’avait aucune idée de l’étendue de mes ressources, de ma capacité à anéantir ceux qui s'opposaient à moi. J’étais patient, et prêt à jouer le jeu aussi longtemps que nécessaire. Tout ceci n'était qu'un calcul, un jeu de stratégie dans lequel j'excellais.

Dans cette société hypocrite, les alliances étaient fragiles et les amis peu nombreux. Tout ce que je faisais était calculé pour assurer ma suprématie, ma survie. Les émotions n’avaient pas de place dans ce monde impitoyable. Je m’étais forgé une réputation d’homme froid et distant, et cela m’avait toujours servi. Seraphena n’allait pas changer cela.

Je me levai enfin, sentant que la nuit avançait, et quittai le bureau pour rejoindre ma voiture. Alors que je traversais les rues sombres, je me surprenais à penser à elle. Sa fierté, son regard obstiné, tout cela était autant d’éléments que j’allais devoir dompter. Mais en même temps, une petite voix me soufflait que peut-être, je ne souhaitais pas la briser totalement. Une épouse soumise n’aurait aucun intérêt, et une part de moi savait que sa force pourrait m’être utile.

Je balayai cette pensée d’un revers de la main. Il ne s’agissait pas d’apprécier sa compagnie. Il s’agissait de tirer parti de cette union, d’en tirer les bénéfices nécessaires pour asseoir ma position. Seraphena était une pièce sur mon échiquier, rien de plus. Une cible facile, que je devais simplement amener à jouer le rôle que j’avais prévu pour elle.

Alors que la nuit s’étendait autour de moi, je savais que le jeu ne faisait que commencer. Et comme toujours, je comptais bien en sortir vainqueur. Ce mariage n’était qu’un autre chapitre de ma stratégie, une étape sur le chemin de la puissance. Et Seraphena, malgré sa résistance, finit par comprendre qu’elle ne pouvait pas me défier. Car dans ce monde où les alliances se nouent et se dénouent, seuls les plus forts survivent. Et j’étais prêt à tout pour m’assurer que ce soit moi.

Les sœurs Belcourt. Tom 1 Promesse amèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant