Chapitre 16

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Samteo,
Samedi 03/02 𝙸𝚗𝚌𝚑𝚎𝚘𝚗 𝙲𝚑𝚒𝚗𝚊𝚝𝚘𝚠𝚗 08:04













« C'est parce que l'intuition est surhumaine qu'il faut la croire ; c'est parce qu'elle est mystérieuse qu'il faut l'écouter ; c'est parce qu'elle semble obscure qu'elle est lumineuse. »
— Victor Hugo

La lumière d'une illusion

Elle est brillante, et parce qu'elle l'est, elle rassure. Chaude, familière, elle invite à s'y blottir, à s'y attarder. On y resterait bien jusqu'à demain, on y resterait bien jusqu'à s'y perdre. Elle donne envie de vivre en son sein, et même d'y mourir. Parce qu'elle est anormalement lumineuse, chaleureusement mystérieuse, elle invite à plonger les yeux fermés. Voilà la bonne intuition : celle qui nous donne des ailes, qui nous permet de voler. Elle nous libère de la peur de l'inconnu, nous ramenant presque en enfance, à cette époque où l'on plongeait la main dans une embouchure sombre sans crainte de ne jamais la revoir. Suivre ses bonnes intuitions, c'est préserver une part de candeur.

Mais il y a aussi les mauvaises. Celles qui, au lieu de nous donner la force de voler, nous clouent au sol. On se débat alors, englué dans une marée lourde, visqueuse, qui nous enserre des pieds jusqu'à l'abdomen. C'est ce que j'appelle le mauvais pressentiment : celui qui nous noie dans les profondeurs sombres et froides du doute.

Face à une situation, une personne, ou même un objet, il est naturel d'instinctivement procéder à une première analyse. Cela ne dure qu'une seconde, le temps suffisant pour former un premier avis. C'est cette étincelle, surhumaine et mystérieuse, qui nous guide. Elle passe par nos cinq sens, souvent plus rapides que notre esprit : l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher, et la vue. C'est sur eux que repose l'intuition.

Si je perçois une mauvaise odeur, avant même que mon esprit ne traite l'information, l'intuition se matérialise en un sentiment, préparant mon corps à réagir bien avant que mon esprit ait pris une décision.

On comprend alors que l'intuition agit indépendamment du cerveau. Elle ne peut nous forcer à bouger, mais c'est presque comme si elle le pouvait. Car elle relève du cognitif : si mon esprit analyse l'information et décide de ne rien faire, alors que mon intuition me met en alerte, le mauvais pressentiment s'intensifiera jusqu'à ce que je cède. Si mon esprit est le roi de mon corps, l'intuition en est le bouffon ; le seul capable, en quelque sorte, de lui tenir tête. Une faille dans la matrice. Ce n'est qu'une théorie que j'ai lue et adoptée, car elle incarne une idée en laquelle je crois fermement : dans tout système, l'anomalie a son importance. L'esprit est le roi du château, maître absolu, et pourtant, l'intuition est là pour le contraindre, jusqu'à le faire ployer. La faille est là pour déconstruire le dogme, pour forcer à penser autrement, et pour empêcher toute forme de suprématie, qu'elle soit gouvernementale ou émotionnelle.

Pour moi, l'amour est une faille que l'on impose à quelqu'un d'autre. « Je crois qu'on tombe toujours amoureux d'une faille qui s'imbrique parfaitement, secrètement et intimement avec la nôtre. » Ce n'est pas une faiblesse, car aimer et être aimé n'en sont pas. C'est bien une faille, une ouverture qui oblige à quitter le chemin tout tracé. Aimer, c'est perdre le contrôle total de ses cinq sens. C'est se sentir engourdi, cloué au sol, incapable d'avancer parce que l'on est alourdi, embourbé dans cet amour doux et sucré, chaleureux et lumineux, qui rassure et apaise. Qui donne envie d'y rester, aujourd'hui, demain, pour la vie et au-delà. On ne tombe pas amoureux par ennui. Ce n'est pas tous les jours, ni tous les mois. Cela peut n'arriver qu'une fois, ou bien trois. Rien n'est figé, rien n'est restrictif, rien n'est dogmatique. L'amour n'obéit à aucune règle. L'amour est une faille.

On le découvre au bout d'une allée, à la fin d'un couloir, au fin fond d'un regard.

L'amour est lourd, et c'est pourquoi l'on pèse ses mots en en parlant. On sait longtemps avant de se déclarer. Mais on attend. C'est aussi cela aimer : savoir attendre. Parce que, si entre amour et haine il n'y a qu'un pas, entre amour et infinité, il y a la confiance, et elle se tisse avec des fils de temps, de maturité et de sagesse.

Aᴋʀᴀsɪᴀ ᴴʸᵘᶰᶜʰᵃᶰOù les histoires vivent. Découvrez maintenant