Chapitre 8

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Dimanche 28/01. 10: 09
Gangnam, Maison Hwang.








Le silence est une arme à double tranchant. Il peut blesser un adversaire, mais il peut aussi nous détruire. Nous.

L'humain n'est pas fait pour souffrir seul. Quand la vie devient ingérable, insupportable, c'est en se reposant sur les autres que l'homme survit.

Parler, c'est se sauver.

Mais moi, je n'ai jamais rien dit. Ma vie entière se résume à une sorte de règne du silence, avec mes larmes et mes peines, qui a commencé il y a bien trop longtemps. Un jeu qui n'en est plus un. Une loi qui ne devrait pas exister. C'est une sorte d'accord tacite désormais. Si la vie me cible, il faut que je me taise, que j'endure en silence.

C'est à base de « Ça finira par passer » ou « Qu'est-ce qu'il pourrait faire pour moi ? » qu'on verrouille la porte de la communication. On empêche les autres de nous atteindre. On leur barre la route vers notre vérité. On se cloisonne dans une muraille de non-dits. C'est comme ça qu'on façonne son masque. Celui qui nous empêche de nous démarquer. Celui trop fin pour qu'on ne nous dise pas qu'on a l'air méchant. Mais bien trop épais pour qu'on voie le vrai nous. Celui brisé.

À l'intérieur, j'ai mal à en voir flou. À l'extérieur, je porte des lunettes non pas pour y voir clair mais pour ne pas souffrir davantage.

–" Fils ?"

Mes yeux se reconcentrent sur mon assiette et je remarque que mes couverts tremblent entre mes mains.

Pourquoi faut-il que ce soit ainsi à chaque fois ? Dès que je viens voir mon oncle et ma tante, il faut toujours que je sois plus faible.

Je dépose doucement mes couverts sur la table. L'une de mes mains glisse sous la table alors que l'autre, de la pulpe de mes doigts, replace correctement mes lunettes sur mon nez. Puis doucement, mes yeux remontent sur ma droite où mon oncle est assis.

–" Est-ce que ça va ?"

Un faible sourire glisse sur mes lèvres, et j'hoche la tête.

–" Alors pourquoi fais-tu la même tête que Sushi quand il a eu des hémorroïdes ?"

Mes yeux remontent vivement sur ma tante face à moi, qui m'observe la tête légèrement inclinée et l'air inquiet. Mais le coin de ses lèvres tremblant trahit son hilarité qu'elle ne peut retenir quand, face à mon silence, mon oncle mime l'expression du chat : globes révulsés et babines ressorties en une sorte de moue difforme. Ma seule répartie face à leurs enfantillages est de doubler la mise. Je plisse les yeux, un sourcil relevé en faisant la moue. Ils explosent de rire et je roule des yeux en réprimant difficilement un éclat.

–" Je vous rassure ; je n'ai pas d'hémorroïdes."

Ils se prennent par la main et s'exclament en chœur.

–" Dieu soit loué."

Ma tante embrasse leurs mains liées et sourit en regardant le plafond. –" Deux semaines d'examination de selles pas quatre !"

Mon oncle rit simplement en la regardant faire. Puis il la complimente, elle rougit, son regard dévie et elle le lâche en bafouillant un de ses « t'es bête » légendaire.

Oncle Dongwook la questionne ensuite sur l'avancée de son prochain récital et son visage s'empourpre davantage quand elle lui répond.

Mon oncle et ma tante sont différents, parce qu'ils sont mariés depuis longtemps et qu'ils s'aiment.

Un jour, mon oncle m'a dit qu'il était promis à quelqu'un d'autre quand il a rencontré ma tante. "Comme au Moyen Âge" ai-je pensé. Mais il m'a vite corrigé en me disant que non seulement ce genre de pratiques étaient toujours très courantes mais qu'en plus, dans certaines cultures, un refus pouvait se solder par la mort. Ça m'avait glacé.

Aᴋʀᴀsɪᴀ ᴴʸᵘᶰᶜʰᵃᶰOù les histoires vivent. Découvrez maintenant