Chapitre 2

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Lundi 22/01. 15:57
Seoul National University, Gwanak Campus. Amphithéâtre 5.





—Il est presque insultant pour vous que je soulève ce point en dernière année de votre cursus, mais comme vous le savez, la réforme du système comptable est une action de grande envergure qui a duré environ cinq ans.

La baignoire est là.

Installée juste à côté du pupitre de mon professeur de comptabilité financière. Il ne la voit pas. Personne ne la voit. Mais moi, je vois clairement cette baignoire blanche tachée par le sang qui s'en écoule doucement, lentement jusqu'au béton de sol gris de l'amphi, s'incrustant dans la pierre comme on s'incruste dans un esprit ; sûrement à vie.

—Hyunjin !

Mes yeux quittent vivement le vide que je fixais jadis et se hissent courageusement jusqu'à la sombre profondeur du regard de Yuna. Ils glissent ensuite jusqu'à ses lèvres, roses, brillantes et en mouvement. Puis remontent jusqu'aux stylos violets dont elle se sert pour faire miroiter l'une de ses mèches de cheveux ébènes.

Elle me voit l'observer inconsciemment et un sourire fissure ses lèvres alors qu'elle se penche jusqu'à mon oreille. Mes yeux glissent alors presque par réflexe dans le décolleté de son haut, mal zippé, noir. —Tu as le storyboard de Kang Yuna ?

Comme si sa voix venait de me renvoyer toute la réalité du monde en pleine face, brûlé à vif par la vision de sa chair, je détourne le regard. Mes yeux se perdent sur mon banc, vierge de feuilles alors qu'il devrait être inondé. J'y lis cela dit, les mots de ceux qui étaient là avant moi, les lignes et parfois même les phrases de ceux qui sur cette table retranscrivaient leurs maux.

J'hoche la tête au moment même où elle ouvre la bouche pour me relancer.

Oui. Je l'ai fait. Coincé entre les quatre murs de ma chambre, terré au fond de mon lit, sous ma grosse couverture ; c'est bien la seule chose que j'ai réussi à faire du weekend.

En rentrant chez moi ce soir-là, j'ai eu l'impression d'être épié de partout. J'avais appelé la police en masqué mais j'étais persuadé qu'ils savaient. Ils savaient que c'était moi, ils pensaient sûrement que je l'avais tué, ils allaient venir me chercher. Je m'étais inquiété pour ça sur le chemin du retour. Mais en entrant dans mon appartement, quand j'avais vu la baignoire au milieu de mon salon, remplie de sang, sans la trace du moindre corps, j'avais compris que ce n'était pas la dénonciation qui me suivrait à vie. J'avais peur. Oui. Mais pas de la police.

Charlotte au long couteau me faisait peur, plus que toute autre chose. Elle avait tué Marat au nom de ses propres idéaux et j'avais appelé la police.

Parce qu'un bout de papier me le demandait.

Non.

Parce que Charlotte l'avait fait et que je ne pouvais rien lui refuser à elle et ses yeux ciel noir.

—Montre.

Mes yeux se focalisent à nouveau sur elles alors qu'ils ne l'avaient jamais quittée et mon cerveau enregistre lentement ce qu'elle me dit.

—J'espère pour toi qu'elle est jolie, Hwang Hyunjin !

Je soupire, et sans grande conviction, je tire mon iPad de mon sac, précédemment abandonné sur un coin de ma table. Inconsciemment, mes yeux vont se perdre sept rangées plus bas, droit vers le pupitre du professeur, qui encore une fois, venait de se lancer dans des explications de la matière acquise deux ans plus tôt. L'amphi était bien rempli en ce début de semestre. Le retour des vacances après ces premiers partiels de (bac3) donnait l'impression que ce premier bilan catastrophique pousserait les gens à la régularité. Mais ce n'était que du flanc. Une semaine et l'amphi se viderait à nouveau de moitié.

Aᴋʀᴀsɪᴀ ᴴʸᵘᶰᶜʰᵃᶰOù les histoires vivent. Découvrez maintenant