Sucrerie

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Comme promis, voici le deuxième chapitre 🫶🏻
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.
Bonne lecture 📖

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Après quelques instants de silence, une sonnerie brisa leur moment suspendu. Les deux hommes grommelèrent en entendant le son strident de l'appel, qui s'intensifia.

Le plus grand se redressa du canapé avec une nonchalance calculée, en rapprochant la tête de Gabriel, toujours posée sur sa cuisse, contre son torse. Ce changement de position soudait les rapprocha et permit à Gabriel de percevoir son parfum, une fragrance légère et boisée, presque envoûtante.

Jordan jeta un regard distrait vers la table basse en face d'eux et aperçut son téléphone, qui vibrait comme un instrument désaccordé.

En se penchant vers le boîtier insistant, son regard se posa sur le nom du correspondant, inscrit en lettre majuscule. Son sang se glaça, et un frisson lui parcourut l'échine, comme s'il venait de voir une ombre fugace dans un tableau de Delacroix. Sa main, déjà suspendue, se figea au-dessus du téléphone. Gabriel fronça les sourcils percevant la tension qui gagnait Jordan.

Le téléphone cessa enfin de sonner, mais l'atmosphère avait changé, devenant plus puissante, presque palpable. Gabriel leva les yeux vers le visage de Jordan. Sa mâchoire était serrée, son sourire avait disparu, et son expression était devenue grave, semblable à celle d'un personnage d'une tragédie grecque.

- Tout va bien ?

Quelque chose n'allait pas. Gabriel le sentait. Son joli minois, d'origine si ouvert, se ferma à la vue de son vis-à-vis. Mais de qui s'agissait-il pour que Jordan réagisse ainsi, se questionna Gabriel.

Éprouvait-il de l'inquiétude pour son rival ? Bien sûr que non, cela ne pouvait pas être cela...

Pourtant, il tourna plusieurs fois sa langue dans sa bouche, luttant pour contenir ses pensées curieuses. Il savait qu'il ne devait pas s'en mêler ; les deux hommes ne se connaissaient pas assez pour cela.

Jordan ne répondait pas. L'avait-il d'ailleurs entendu ? Devait-il se répéter ou le laisser dans sa bulle pour qu'il reprenne ses esprits ? Gabriel avait l'impression qu'il était devenu absent, presque livide. Avait-il vu un fantôme ?

Il y a quelques minutes à peine, le jeune homme avait été entreprenant, n'hésitant pas à caresser les cheveux de l'homme sur ses jambes, ses gestes empreints d'une tendresse presque poétique.

Jordan rangea son téléphone dans sa poche avec une précision presque rituelle et se leva, le visage pensif. En se levant, il prit soin de décaler légèrement la tête bouclée de son rival, mais cela ne fut pas nécessaire, car Gabriel s'était légèrement redressé, adoptant une posture assise.

Jordan se dirigea vers un tiroir de la cuisine et en sortit un petit paquet de bonbons. Il n'hésita pas à en avaler un, puis deux, puis trois. Ses gestes trahissant une impatience presque enfantine, comme si chaque morceau de sucre était une bouffée de réconfort instantané.

Le plus âgé, toujours assis sur le canapé, prit le temps de l'observer. Son regard se posa sur la stature imposante de Jordan, ses cheveux légèrement ébouriffés, qui lui conféraient un air charismatique et désinvolte, ses larges épaules, ses bras musclés, ses longs doigts, ainsi que son nez pointu qu'il appréciait tout particulièrement.

On aurait dit une statue grecque.

- Je ne vous savais pas aussi accro...

À ces mots, Jordan écarquilla les yeux, réalisant à quel point il avait oublié la présence de son rival dans son salon. Cet appel l'avait complètement déstabilisé, et il n'avait même pas remarqué le regard admiratif que lui portait le plus âgé. Pathétique, se dit-il en gonflant ses poumons pour retrouver une contenance.

- Accro, vous dites ?

- Au sucre. Enfin... plutôt aux bonbons.

Il s'approcha du canapé. Un léger sourire commença à s'étirer sur ses lèvres, ce qui fit naître un sentiment de satisfaction chez Gabriel.

- J'oublie mes bonnes manières. Vous en voulez ? lui demanda-t-il en lui tendant le petit paquet presque vide.

Il restait pas plus de quatre bonbons dans le sachet. Gabriel prit le paquet, et sa main frôla celle du plus jeune. À ce simple contact, leurs regards se croisèrent, un frisson électrisant parcourant l'air entre eux.

- J'en mange souvent quand je suis stressé, mais vous pouvez les terminer. lui confit Jordan, un sourire au bord des lèvres.

- Vous êtes certain de me laisser votre seul réconfort ?

Jordan lâcha un rire léger, un son qui résonna comme une douce mélodie.

Il insista d'un hochement de tête et observa Gabriel piocher dans le paquet à la recherche de l'heureux élu. Il aurait bien aimer être ce bonbon à ce moment là, mais se ravisa d'un désaccord de la tête.

- J'aimerais prendre un peu l'air, souhaitez-vous m'accompagner ? Je connais un parc privé où nous serons à l'abri des regards indiscrets.

- Je ne comptais pas marcher avec vous main dans la main monsieur Bardella. Marmonna le plus âgé.

Aussitôt dit, le rouge monta aux joues de Gabriel qui resta surprit par ses propres paroles. Il plaqua sa main sur sa bouche et baissa les yeux, gêné. Pendant ce temps, Jordan observait le comportement du plus âgé, appréciant sa réaction. C'était attendrissant.

- Vous savez très bien de quoi je parle Monsieur Attal. En insistant symboliquement sur son nom de famille.

Ils conclurent la conversation d'un signe de tête, un geste furtif chargé de sous-entendus, avant de se diriger vers l'entrée de l'appartement. Ils savaient tous les deux les risques qu'ils prenaient.

Gabriel sortit deux masques chirurgicaux noirs et une casquette de son sac, une précaution devenue courante dans les temps incertains que nous vivons. Discret, il savait que chaque regard pouvait être un potentiel buzz sur les réseaux sociaux, où même une simple apparition en public avec son rival politique pourrait déclencher un torrent de spéculations et de critiques.

Cette précaution, loin d'être superflue, était d'une nécessité palpable. Ce n'était pas commode de se promener dehors avec son adversaire, surtout dans un climat politique aussi tendu. Imaginez le scandale que cela pourrait créer, à l'instar des faux pas de certains politiciens qui, par le passé, avaient vu leur réputation s'effondrer suite à des fuites ou des photos compromettantes. Gabriel pouvait presque entendre les titres racoleurs des journaux du lendemain, prêt à transformer leur simple sortie en un véritable feuilleton à scandale.

Avant d'ouvrir la porte pour s'éclipser, Jordan enfila son long manteau noir et mit le masque chirurgical que Gabriel lui tendait.

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Note :
Je voulais que ce chapitre reflète non seulement le poids de leurs rôles respectifs dans la sphère publique, mais aussi la vulnérabilité et la complexité de leurs sentiments naissants, souvent masqués par des échanges légers ou des gestes de routine. Peut-être que, sous les masques de la société, il y a plus à découvrir que ce qu'ils sont prêts à admettre...

Derrière la façade - Attal & BardellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant