Vérité

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Je préfère vous prévenir, ce chapitre va être assez difficile à lire. Il y a des vérités du passé qui vont être dévoilés et c'est pas forcément facile à digérer.

Bonne lecture 📖

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Jordan gardait les yeux rivés dans le vide, comme s'il cherchait à cacher la douleur inscrite sur son visage. Gabriel, malgré lui, se sentait pris dans ce mystère opaque. Il savait qu'il ne pouvait pas insister, de part leur statut professionnel, mais l'envie de creuser et de comprendre, le rongeait.

- Vous avez un petit moment à m'accorder, avant de rentrer ?

Le plus jeune leva les yeux vers son rival, un air intrigué sur le visage. Il répondit d'une voix calme :

- Oui, bien sûr, avec plaisir.

- Mon chauffeur a garé la voiture à quelques mètres d'ici. Si ça vous dit, on pourrait discuter au chaud.

Jordan acquiesça légèrement, son visage retrouvant un semblant de normalité.

- Avec plaisir, je vous suis.

Gabriel entama le pas, scrutant un instant derrière lui pour vérifier que Jordan le suivait. Après quelques minutes de marche, Gabriel invita Jordan à s'installer côté passager. Pendant ce temps, lui-même longea la voiture jusqu'au coffre. Intrigué, Jordan jeta un coup d'œil dans le rétroviseur central pour vérifier si tout allait bien. Gabriel revint avec un paquet de bonbons, déclenchant un léger rire chez Jordan.

- Vous m'avez donné envie d'acheter des sucreries l'autre soir. C'est le moment de partager ce paquet avec vous.

- C'est attentionné de votre part, je vous remercie.

Gabriel se souvenait que, lorsqu'il était stressé, Jordan avait cette irrésistible envie de grignoter. Une manie qu'il trouvait presque attendrissante.

La conversation démarra doucement, émaillée de banalités que ni l'un ni l'autre ne semblaient vraiment écouter. Mais Gabriel sentait un poids dans l'air, une tension qu'il n'osait briser.

- Jordan... je me demande... comment ça se passe entre vous et votre père ? Je n'arrête pas d'y penser depuis l'autre jour.

À l'évocation de son père, Jordan se figea. Sa mâchoire se crispa. Il ne répondit pas immédiatement, comme si cette simple question avait ravivé quelque chose de profondément enfoui.

- Aux yeux de mon père, je suis un accident... Une honte parfois, murmura-t-il, la voix plus fragile qu'il ne l'aurait voulu. Vous avez vu ce qu'il m'écrit... mais ce n'est qu'une partie de ce qu'il me fait subir. Ses mots sont comme des flèches empoisonnées qu'il m'envoie sans cesse.

Il ferma les yeux un instant, laissant les mots flotter dans l'air, lourds, oppressants. Gabriel sentit la détresse de Jordan monter d'un cran, et ses propres mains se serrèrent autour de ses genoux, comme s'il partageait une infime partie de cette douleur.

- Ça n'a pas toujours été comme ça, continua Jordan, la gorge nouée. Quand j'étais gamin, on était proches. Il m'emmenait voir des matchs de foot, on faisait des sorties en famille, il m'apprenait à pêcher, et j'admirais cet homme qui semblait tout savoir. Je vivais pour ces moments-là... Je vivais pour lui.

Il déglutit, fermant brièvement les yeux comme pour ravaler une émotion trop forte. Gabriel pouvait voir la lutte interne de Jordan, chaque mot semblant lui arracher un peu plus de douleur.

- Et puis... ma mère l'a quitté. Ce jour-là, tout a changé, il s'est brisé. Il est devenu amer, distant... et ensuite, violent, quand les mots ne suffisaient plus. C'est comme si tout ce qui n'allait pas dans sa vie était de ma faute.

Jordan baissa la tête, et ses yeux se remplirent de larmes qu'il essayait désespérément de retenir.

- Maintenant, il ne me parle presque plus. Quand il le fait... c'est pour me dire que je suis la pire erreur de sa vie. L'autre jour, il a même dit que... qu'il préfèrerait me voir mort que de continuer à me regarder.

Sa voix se brisa et une larme glissa sur sa joue. Il détourna rapidement la tête, honteux de ce moment de vulnérabilité. Gabriel, pris au dépourvu, resta silencieux un instant, puis, d'un geste doux et protecteur, il essuya délicatement la larme du bout des doigts. Ce contact inattendu fit tressaillir Jordan, mais il n'eut pas la force de se dérober. Son souffle devint irrégulier, il n'avait pas l'habitude qu'on le console de cette façon.

- Hé, Jordan... soufflez, murmura Gabriel. Prenez une grande inspiration. Je suis là.

Jordan obéit, inspirant profondément, mais ses mains tremblaient encore légèrement. Il cligna des yeux, essayant de retrouver un semblant de contrôle.

- Je... je suis désolé, Gabriel, murmura-t-il, la honte s'infiltrant dans sa voix. Je ne pleure jamais devant qui que ce soit. C'est sûrement l'alcool qui me rend si vulnérable... Je ne devrais pas autant boire.

Gabriel secoua doucement la tête, refusant qu'il se sente coupable.

- Jordan, ne vous excusez pas, personne n'est invincible et personne n'a à porter ce poids tout seul. Vous avez traversé des choses que personne ne devrait vivre. Ce que vous ressentez, cette douleur... c'est normal.

Il le regarda intensément, ses yeux reflétant une sincérité inébranlable.

- Vous n'avez rien à vous reprocher et pleurer n'a rien de mal. Ça prouve juste que vous êtes humain, et que ça compte pour vous. Vous traversez une période difficile, c'est normal de craquer.

Gabriel continua, plus fermement cette fois, déterminé à faire passer son message.

- Vous n'êtes pas seul, d'accord ? Peu importe ce que vous pensez de vous-même ou ce que votre père vous dit... vous méritez d'être soutenu, d'être compris et d'être respecté.

Gabriel prit le visage de Jordan entre ses mains. Au simple contact de ses doigts chauds, Jordan ferma instinctivement les yeux. Grâce à ce geste si attentionné, sa respiration revint petit à petit à la normale.

- Inspirez... Expirez... Continuez, comme ça. C'est vraiment bien.

Merde, Jordan ne te mets plus jamais dans cet état ! Pensa Gabriel inquiet.

Sous les mots de l'aîné, Jordan se détendit enfin. Il avait l'air épuisé, son visage encore marqué par la douleur. Il hocha légèrement la tête, remerciant Gabriel d'être présent.

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Note : Ce chapitre explore les failles émotionnelles de Jordan, tout en montrant la délicatesse avec laquelle Gabriel tente de l'aider à affronter ses blessures. J'ai voulu souligner ici la force qui réside dans la vulnérabilité, et la manière dont les mots peuvent à la fois blesser et guérir.

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Ça a été le chapitre le plus difficile à écrire...
Je me suis reprise à maintes reprises.

🤍

Derrière la façade - Attal & BardellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant