CHAPITRE 32: TU ES DÉJA CE QUE J'AI CRÉE

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Jordan resta là, sur le banc, à murmurer ces mots dans l'obscurité. Une question qu'il se posait depuis des mois, sans jamais parvenir à trouver de réponse. Pourquoi Gabriel restait-il si ancré en lui ? Il voulait le haïr, il en avait besoin, c'était la seule chose qui le maintenait debout. Pourtant, chaque jour, cette haine s'effritait, et laissait place à un sentiment qu'il craignait plus que tout : le regret.

Il se leva finalement, ses jambes raides après tant de temps assis. Le parc silencieux n'offrait aucun réconfort, seulement un miroir pour ses pensées tourmentées. Il repensa aux mots de son père, aux coups de fil à Noam, à Gabriel qui l'avait protégé plus tôt. Était-ce vraiment ça, sa vie ? Une suite de confrontations, de fuites, de choix qui semblaient toujours l'éloigner un peu plus de lui-même ?

Il commença à marcher sans but précis, ses pas résonnant dans le calme nocturne. À chaque rue, il avait l'impression de laisser une partie de lui derrière, mais la sensation de vide grandissait en lui. Puis, sans savoir pourquoi, il se retrouva devant l'appartement de Gabriel. Il connaissait ce quartier, ce bâtiment. Combien de fois y était-il venu autrefois, la joie au cœur, plein d'espoir pour un avenir qu'il croyait partagé ?

Jordan serra les dents. Il n'avait aucune raison d'être ici. Il devrait faire demi-tour, rentrer chez lui, oublier ce chemin. Mais quelque chose le retenait, comme si cet endroit était le seul où il pouvait enfin faire face à la vérité qu'il fuyait depuis trop longtemps.

Les lumières étaient éteintes, sauf une, celle du salon. Il distingua une silhouette à travers la fenêtre : Gabriel, assis sur le canapé, la tête dans les mains. Il semblait accablé, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules. Jordan resta là, immobile, à observer cet homme qui avait autrefois été tout pour lui, et qu'il avait tant essayé de détester.

Sans réfléchir, il traversa la rue et gravit les marches de l'immeuble. À chaque pas, il se sentait tiraillé entre l'envie de faire demi-tour et celle d'affronter enfin ce qu'il avait fui. Arrivé devant la porte, il leva la main pour frapper, mais hésita. Que dirait-il, s'ils se retrouvaient face à face ? Pourquoi était-il venu ici ? Pour chercher des réponses, ou pour entendre les excuses qu'il avait déjà rejetées tant de fois ?

Il recula, prêt à partir, mais la porte s'ouvrit soudain. Gabriel était là, surpris de le voir. Il n'avait manifestement pas entendu ses pas, mais l'avait senti, comme si leur lien, malgré tout, persistait.

-« Jordan... » murmura Gabriel, sa voix tremblant légèrement.
-« Qu'est-ce que tu fais ici ? »
Jordan ne savait pas quoi répondre. Le flot de sentiments qu'il avait réprimé remonta en lui avec une violence inattendue. Il ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit. Leurs regards s'accrochèrent, et dans les yeux de Gabriel, il retrouva cette même douleur, ce même conflit. Cela dura une seconde, ou peut-être une éternité.

Puis, d'un souffle, Jordan laissa enfin tomber ses défenses :

-« Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à t'oublier ? » lança-t-il, la voix cassée par l'émotion.
-« Dis-le-moi, Gabriel... dis-moi pourquoi tu hantes encore chacune de mes pensées, alors que je devrais te haïr plus que tout. »

Gabriel le regarda, les yeux écarquillés. Un silence pesant s'installa, et l'espace entre eux semblait soudainement immense, rempli de tous les non-dits, des regrets, des souvenirs. Gabriel inspira profondément, cherchant les mots, mais il savait que peu importe ce qu'il dirait, cela ne suffirait jamais à apaiser la douleur de Jordan.

-« Parce que... » dit-il finalement, sa voix à peine audible.
-« Parce qu'une partie de toi ne veut pas m'oublier. Parce que tu m'aimes encore, même si tu refuses de l'admettre. Et... parce que moi aussi, je n'ai jamais cessé de t'aimer. »

VRAI CONFIANCE?(BARDELLAxATTAL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant