𝟏𝟒. 𝐋𝐞𝐬 𝐩𝐢𝐞𝐝𝐬 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞 𝐩𝐥𝐚𝐭

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𝓛é𝓪𝓱.

J'ai longuement hésité à acheter une pochette étanche pour mon nouveau téléphone. Sur conseil du vendeur, j'ai finalement opté pour une protection intégrale, un peu plus discrète et pratique que mon idée de départ. Dans mon malheur, j'ai dû changer de carte sim, mais j'ai pu conserver mon numéro. Évidemment, les messages de Basile n'y figuraient plus puisque comme les autres, ils étaient enregistrés dans la mémoire de l'appareil.

Ne poussons pas la chance trop loin non plus...

Le lieu où m'attendent Oriane et mon potentiel employeur se dresse devant moi, une énigme architecturale. La bâtisse sur pilotis, à la fois ancrée dans le passé et projetée vers l'avenir, me laisse sans voix. Sa façade a quelque chose de saisissant : la pierre, lisse et patinée par le temps, évoque la solidité des châteaux-forts, tandis que les parois vitrées semblent aspirer à toucher le ciel. L'intérieur, baigné de lumière, se fond avec le paysage extérieur, créant une sensation d'apesanteur. Une magnifique terrasse domine la Garonne, un ruban d'argent qui serpente sous la voûte étoilée. C'est un cadre enchanteur, mais déroutant.

Je gravite le grand escalier, en quête d'un peu d'air. Je doute encore du bien-fondé de cette rencontre. Qu'ai-je à y gagner, sinon à risquer de perdre le peu d'espoir qu'il me reste ? Depuis que j'ai perdu papa, mon travail, ma confiance en la vie, je me sens comme une coquille vide, sans but ni envie.

Un jeune serveur au sourire avenant vient à ma rencontre et m'invite à le suivre. Nous traversons l'allée qui longe la grande salle par l'extérieur, au rythme des claquements de mes chaussures sur les planches en bois clair.

J'aperçois rapidement mes deux partenaires de soirées, assis autour d'une table ronde qui compte pourtant cinq chaises.

L'idée que d'autres personnes soient invitées me traverse l'esprit, et je manque défaillir sous le poids des soupçons qui pèsent quant à leur identité.

Pitié, pas lui. Tout, mais pas lui...

— Bonsoir Léah ! Tu es superbe, me complimente la jeune femme en détaillant ma combi-short bleu marine. Je te présente Jonathan. Jo, voici Léah.

Il se lève pour me saluer en tendant une main amicale devant lui.

— Enchanté.

J'opine en souriant, tout en prenant le temps de l'observer. La trentaine sans doute à peine entamée, son visage lisse et lumineux contraste avec ses cheveux sombres, déjà parsemé de quelques mèches grises. Ses lunettes à large monture n'altèrent en rien la profondeur de son regard émeraude, débordant de douceur.

— Alors, pas d'autres catastrophes depuis hier ? m'interroge Oriane sur le ton de la plaisanterie.

— Non, et j'ai un nouveau téléphone ! Mais la soirée n'est pas terminée, tempéré-je en riant à mon tour.

— Évitons le vin rouge dans ce cas, ce sera plus sûr, intervient Jonathan, visiblement au courant de mes mésaventures.

— Absolument ! Prudence est mère de sûreté.

Nous décidons de commander des cocktails, je choisis une Pina colada. Depuis que la jolie blonde a informé le serveur que nous attendions deux autres personnes, je suis dévorée par l'appréhension de voir débarquer mon apollon. Qui plus est, une belle apolline à son bras. Je me mure dans un silence angoissé, incapable de formuler les questions qui me taraudent. « Jo », comme son amie aime à le surnommer, ne semble pas tout à fait à l'aise, lui non plus. J'ai l'impression qu'il ne sait pas vraiment ce qu'il fait ici. Ni ce que je fais ici, d'ailleurs. Heureusement qu'Oriane est là pour enchaîner les conversations, sinon, bonjour l'ambiance.

Summer RainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant