𝟏𝟓. 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐚𝐧𝐠𝐞𝐫𝐞𝐮𝐱

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Contre toute attente, nous avons fini par nous détendre. Enfin, tous sauf Basile, qui n'a pas desserré les dents depuis l'arrivée de son petit copain. Moi, j'essaie de relativiser. C'est vrai que ce mec me plaît et que dans ma naïveté débordante, j'ai cru apercevoir des signes d'une attirance partagée... bon, je me suis trompée. Ça arrive ! Et puis, de toute façon, à l'allure où j'enchaîne les déceptions, je vais bien finir par m'y faire.

— Alors Léah, Oriane m'a dit que vous cherchiez du travail ? m'interpelle Jonathan, entre deux bouchées de son steak Black Angus.

Le nez dans ma salade végétarienne que j'ai à peine touchée, je jette un coup d'œil sceptique en direction d'Oriane, qui m'encourage à lui répondre d'un clin d'œil espiègle.

— Oui. Je crois qu'il est temps que je me remette en selle, expliqué-je en reprenant les termes de la blondinette.

— Pouvez-vous passer demain à mon cabinet ? Vers midi ? On pourrait déjeuner ensemble pour en discuter.

Ma voisine de table tape dans ses mains, visiblement fière de ce qu'elle a déclenché. Je rigole de plus belle en secouant la tête, sans trop m'attarder sur la gueule d'enterrement que tire toujours Basile.

— Bien sûr, avec plaisir !

— Vous allez travailler ensemble ? intervient Andrea. C'est super ça ! Et alors, comment vous vous êtes rencontrés, tous les deux ?

Deuxième temps mort de la soirée. Donc, monsieur Grognon ne lui a pas dit avoir passé la soirée en ma compagnie. D'accord... La surprise doit se lire sur mon visage puisque Basile se décide enfin à rompre le silence dans lequel il se murait.

— La fille qui s'est jetée sous mes roues samedi, c'est elle.

— Je ne me suis pas jetée sous vos roues ! le contré-je. C'est vous qui vous êtes cru sur un circuit automobile !

Il se laisse enfin aller à un rictus moqueur tandis qu'il se retourne vers moi. La lueur de défi dans son regard me transperce la chair ; je m'empresse de détourner les yeux, tuant dans l'œuf le désir naissant dans les bas-fonds de mes entrailles.

— Attends. Basile t'a accompagné au mariage de ta sœur et vous vous vouvoyez encore ? s'étonne ma nouvelle copine. Sérieux ?

Jamais deux sans trois, il paraît. Cette fois, je crois qu'Oriane se rend compte de sa bourde et pince les lèvres entre ses dents, comme pour éviter de faire une autre gaffe. Basile soupire mais termine tranquillement son assiette, ignorant parfaitement l'air incrédule de son mec. Ce dernier, après un long moment de silence, parvient enfin à formuler sa question :

— Alors c'est ça que tu faisais, samedi soir ?

— Oui, dit-il simplement en déposant ses couverts dans son assiette vide.

— OK, je vois...

— Quoi ? s'agace-t-il soudain. Qu'est-ce que tu vois ?

Son ton était amer, presque agressif. Andrea ne répond pas et se contente d'afficher une moue contrariée. J'ai de la peine pour lui. Visiblement, il essaie d'apaiser les tensions mais son mec ne semble pas sur la même longueur d'onde que lui.

— Quelqu'un prendra un dessert ? s'empresse de proposer Jonathan, mal à l'aise.

Gourmande – et carrément embarrassée –, je jette mon dévolu sur la douceur du jour : un fraisier. Tous autant que nous sommes, nous tentons d'aborder des sujets plus légers, bien que les tourments de Basile flottent au-dessus de nous, tel un orage brumeux prêt à éclater.

Dès lors, je reste en retrait. Oriane et Andrea évoquent quelques souvenirs joyeux tandis que Jonathan s'amuse lui aussi à prendre part à la conversation. Basile étudie sa tasse de café, posée devant lui, comme s'il n'en avait jamais vu. À de nombreuses reprises, il souffle en frottant ses mains sur ses cuisses, nerveux.

Summer RainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant