Il fait une pause en me jaugeant, probablement pour savoir si je suis déjà au courant. Je ne le suis pas. Un tic nerveux courbe mes sourcils, je me contente de le fixer, les lèvres pincées. Quand mon interlocuteur réalise que je ne comprends pas de quoi il parle, il poursuit.
— Lui et Basile devaient se retrouver dimanche soir, mais il ne s'est jamais pointé. Il n'a pas de nouvelles depuis trois jours, ça ne lui ressemble pas. Et vu ce qui s'est passé la dernière fois...
— La dernière fois ? m'enquiers-je, partagée entre inquiétude et curiosité.
— Tu n'as pas vu la vidéo ?
OK, là, je suis complètement perdue. Si je pensais encore pouvoir suivre la conversation, ce n'est clairement plus le cas. J'ai usé de toutes mes forces pour arborer une parfaite poker face à l'annonce de la disparition d'Andrea, alors que tout mon corps s'est mis en état d'alerte sans que je puisse réellement gérer – faire semblant, uniquement –, mais voilà qu'il me parle d'une vidéo sortie de nulle part.
Je rassemble mes couverts dans mon assiette, sur la demi-pizza qu'il reste. L'appétit m'a définitivement quittée pour aujourd'hui. J'observe Jonathan d'un air incrédule. Impatient. Inquiet. Un peu de tout cela en même temps, je crois. Les émotions me submergent à mesure que les scénarios défilent dans ma tête.
Quelle vidéo, bon sang ?
Je ne sais pas si j'ai formulé cette question à voix haute, mais celui qui détient les réponses à mes interrogations sort son téléphone de la poche de son jean et pianote sur son écran avant de le retourner vers moi.
J'arrête de respirer à la vue d'un endroit sombre, d'où se distinguent deux corps. L'un de face, titubant sur ce qui semble être des rails de train. L'autre plus en hauteur, de dos, qui reste stoïque. Une gare. Des murmures inconnus puis des cris. Je reconnais la voix de Basile. Mon cœur s'accroche mais perd le rythme. Mes mains, agrippées à l'objet, se mettent à trembler malgré moi. J'assiste à cette scène sordide, impuissante et terrifiée. Quand Andrea menace d'en finir, je saisis enfin l'inquiétude de Jonathan ; je la partage.
— Mais qu'est-ce que... ?
— Elle a fait le tour des réseaux sociaux en moins d'une heure, lâche-t-il, telle une évidence.
— Désolée de te demander ça, mais pourquoi leur vie intéresse autant de monde ?
Cette fois, c'est à lui d'arborer une mine perdue, tout en me détaillant comme si je venais d'une autre planète. J'ai clairement l'impression que nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde ; que nous ne parlons pas la même langue.
— Tu... tu veux dire que tu ne sais pas qui est Basile ? Non. Impossible !
— Comment ça ? C'est le fils caché du Président ou quoi ? ironisé-je en balayant une miette imaginaire sur mon set de table en papier.
— Basile Gauthier, le tennisman ! Ancien numéro un mondial, ne me dis pas que tu n'en savais rien ?
— C'est une blague ?
Non, manifestement pas. Encore sous le choc de cette révélation, je prends tout de même le temps de sortir mon portable pour vérifier ses dires. Je ne doute pas de sa parole, mais le souvenir que j'ai de lui est bien trop différent de Basile pour parvenir à mettre de l'ordre dans mes idées.
— Mais il a vachement changé ! m'exclamé-je en faisant défiler les photos sur Google. Ses cheveux étaient bien plus courts, et il n'avait même pas de barbe !
Malgré tout, je ne peux nier l'évidence. L'intensité de son regard saphir, son visage dur, concentré sur son objectif et son corps d'athlète. Plus de doute possible, c'est bien mon prince charmant, sauveur d'un jour et fantasme de mes nuits sur chacune de ces photos. Je tombe des nues en rangeant mon téléphone, abasourdie de ne pas l'avoir reconnu plus tôt.
— Peu de gens le reconnaissent aujourd'hui, me rassure Jonathan, semblant lire dans mes pensées. Mais je pensais qu'il t'en aurait parlé.
— On ne se connait pas vraiment, lui et moi.
— Ouais, j'ai cru comprendre, se moque-t-il gentiment. Il en a bavé, mais c'est un type bien.
Ça, je le sais. J'en ai déjà eu un vague aperçu. Même si, au fond, je crois avoir discerné son côté plus sombre. Je me retiens de lui poser des questions à son sujet, j'aurais le sentiment de m'immiscer dans sa vie alors qu'il préférerait sûrement garder ça pour lui. Et si, au détour de quelques minutes passées en ma compagnie, il avait besoin d'une oreille attentive, je saurais apprécier chaque confidence qu'il trouvera peut-être le courage de formuler.
— Bon, il va falloir que j'y retourne. Je t'ai préparé un contrat, enchaîne-t-il en se penchant sur le côté pour fouiller dans sa sacoche. Prends le temps de le lire et si tout est OK pour toi, tu peux commencer le 1er juillet. Évidemment, si tu as des questions ou des suggestions, je reste à ta disposition. Quand tu veux.
— D'accord. Merci encore. Ça ira pour toi ? Tu n'as rien mangé...
— Ouais, ne t'inquiète pas, me rassure-t-il en esquissant un nouveau sourire forcé. À bientôt Léah.
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Summer Rain
Romance𝐈𝐥 𝐧'𝐢𝐦𝐚𝐠𝐢𝐧𝐚𝐢𝐭 𝐩𝐚𝐬 𝐥𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐨𝐬 𝐪𝐮𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐯𝐨𝐪𝐮𝐞𝐫𝐚𝐢𝐭 𝐬𝐨𝐧 𝐜𝐨𝐦𝐢𝐧𝐠 𝐨𝐮𝐭. 𝐄𝐧𝐜𝐨𝐫𝐞 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐪𝐮'𝐮𝐧𝐞 𝐟𝐞𝐦𝐦𝐞 𝐫𝐞𝐦𝐞𝐭𝐭𝐫𝐚𝐢𝐭 𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐞𝐧 𝐪𝐮𝐞𝐬𝐭𝐢𝐨𝐧. La malchance chronique de Léah n'a jama...