Des sorcières comme les autres

39 11 7
                                    

Alyzée

« Je suis peut-être l'homme le plus con de la planète, mais aussi le plus amoureux.

De toi.

Je me suis comporté comme une merde, Furie Douce. Reviens.

Ps : j'ai envie de démonter ton petit cul »

J'ai mis environ quatre minutes à déchiffrer le SMS de Liam. Il faut dire qu'au milieu de la nuit, avec un nombre incalculable de verres dans le pif, ça n'avait rien d'évident.

Je m'empourpre en relisant son message une énième fois. J'avoue qu'il peut se montrer mignon, quand il veut. Et sexy, très sexy. Avant lui, je n'avais jamais été sensible au dirty talk. Or, depuis quinze ans maintenant, je m'enflamme à chaque petite vulgarité qu'il me glisse à l'oreille. D'ailleurs, pour tout avouer, moi aussi, j'aimerais qu'il démonte mon petit cul.

Oui, j'ai chaud.

Oui, l'alcool attise ma libido au bord de l'explosion.

Oui, je jetterai bien ma dignité au feu pour un orgasme avec mon homme.

Puis, ça sonne comme des excuses, non, « je suis peut-être l'homme le plus con de la planète » ?

— Pourquoi y a autant de virages, déjà ?

Je me tourne vers Jasmine, qui vient d'articuler faiblement ces mots. Assise à côté de moi, elle s'agrippe à la portière comme une forcenée. Ne me dites pas qu'elle va vomir, putain !

— C'est vrai que ça tournoie pas mal, sur la côte, grommelle Camille, concentrée sur sa conduite.

Au moment de partir, nous n'avons pas eu besoin de réfléchir longtemps pour désigner un chauffeur. Cam, qui s'est contentée de descendre des jus de fruits toute la soirée, constituait la candidate idéale et surtout, la seule. Stressé d'abîmer le précieux Tesla de Max, elle hésite entre une conduite sportive et excessivement prudente. Malheureusement, cette alternance s'avère carrément incompatible avec des passagers présentant une alcoolisation bien avancée.

— Ouvre la fenêtre, Lo, lancé-je à mon amie, assise du côté passager.

L'ex-danseuse se retourne et avise la tronche de Jasmine, de plus en plus pâle, avant de s'exécuter promptement. Si elle ramène une voiture dégueulasse à son mec, je ne donne pas cher de leurs retrouvailles, qui semblaient pourtant s'annoncer douces.

Loïs a été la dernière à admettre que son Max lui manquait. Faut dire que l'opiniâtreté, chez les Hensen, bat tous les records. Plus têtus que ces deux-là, tu meurs.

— Tu te sens mieux, Jas ? s'enquiert Camille.

— Si tu cessais de rouler comme une mamie sous coke, peut-être, gémit l'éditrice.

Contrairement à nous, Jas n'a jamais été du genre à picoler sévère en soirée. Vu que mon cœur a déménagé au bord de mes lèvres, je n'ose imaginer son supplice.

— Je ne suis pas habituée aux automatiques, grogne Cam. J'ai pas envie d'abîmer ce bébé.

— Pas habituée aux voitures auto ? De qui tu te moque ? se gausse Lo. On ne vend plus que ça, maintenant !

Il est vrai que cette dernière décennie a vu se démocratiser ces boîtes de vitesse, ainsi que les véhicules à énergie alternative. Un sursaut de conscience climatique bienvenue, parmi d'autres mesures plus contraignantes, mais non moins nécessaires, ratifiées par la quasi-totalité des pays industrialisés du monde. Contre toute attente, et pour le bonheur de nos petits, la sauvegarde de la planète constitue désormais un réel enjeu et non plus une promesse électorale vide de sens.

On s'était dit rendez-vous dans quinze ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant