Chapitre 1 : Wanne, abandonnée de Dieu

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Wanne est un magnifique petit village ancien où il fait bon vivre. Au loin, ce ne sont que pâtures verdoyantes et bruits d'animaux de ferme apaisants. Les maisons neuves s'y vendent à prix d'or et les anciennes, après restauration, se voient valoir des fortunes colossales. C'est la campagne, la vraie. Celle où subsistent encore trois fermiers à qui la majorité du territoire appartient. Les citadins s'y ruent pour le calme qui y règne, l'air pur et sain naturellement respiré.

Au nom de la « mixité sociale », on y construisit une cité de logements publics. Ce qui avait provoqué un tollé général, il y a vingt ans, quand le projet fut mis sur la table, était aujourd'hui une réalité. Cela dit, ces habitations et ces locataires n'avaient en rien entravé la splendeur des lieux. Il faut dire que ces maisonnettes-blocs de quintuplées- étaient sorties de terre au bon endroit : sur la nationale : Celle qui se trouve déjà sur la commune mais pas tout à fait dedans. Un arrêt de bus y avait été implanté comme pour ne pas obliger ces « pauvres gens » à venir se perdre dans les belles rues.

Cinq ans après l'installation de toute cette « populace », pas moins de trente familles, il s'avéra rapidement que l'inconvénient tant redouté était finalement nul et sans effet pour les nantis. Séparés de deux kilomètres, les cossus et les pures souches ne côtoyaient pas les « assistés » – comme on les nommait- donc : point de révolte ni de perturbations dans ce havre de paix chèrement payé. 

En définitive, la mixité se prit une grosse gifle (car aucun mélange ne naquit) et le Maire, un bon magot.


Wanne, la Belle, en son centre, se résumait à une place bordée par un grand cimetière. Quatre petites rues menaient vers les prairies. Elles étaient ornées de villas neuves ou d'anciennes fermes énormes transformées en demeures presque royales. Deux bâtiments, toutefois, subsistaient sur cette place : l'ancienne école, en cours de transformation depuis des années en vue d'en faire une habitation ordinaire et l'église comme l'appelaient ses fidèles. Il ne s'agissait bien-sûr pas d'une majestueuse cathédrale mais plutôt d'une chapelle qui aurait mérité de gros travaux : Une petite salle à l'entrée, un petit cagibi qui devait être la buanderie du curé quand il y en avait encore un et, à l'arrière du bâtiment : une petite cuisine, une petite chambre et un W.C. minuscule dont on ne savait d'ailleurs ouvrir la porte correctement, car, mal réfléchie, elle s'ouvrait vers l'intérieur et se retrouvait bloquée par la cuvette du « saint trône ». Telle était la configuration de ce modeste lieu.

C'est dans ce petit bâtiment que le Docteur George s'installa, il y a neuf ans. Trentenaire à l'époque, il vit le décès du Docteur Sépult comme une véritable aubaine. Lui, qui depuis sa sortie de l'université, il y a cinq ans, n'avait trouvé que de petits remplacements par-ci, par-là dans des hôpitaux, des maisons de santé... Enfin, il allait pouvoir asseoir sa carrière. L'aspect financier était, comme pour de nombreux indépendants qui se lancent, un véritable problème. Comment faire accepter un crédit à une banque pour l'achat d'un cabinet médical si vous n'y travaillez pas encore ? La banque veut des garanties et vous ne pourrez lui en donner que si vous travaillez et, pour travailler, il faut au moins un endroit correct... La chance avait tourné pour le Docteur George grâce à la disparition de Sépult !

A Wanne, l'église avait fermé trois ans plus tôt à la mort du curé. Restriction budgétaire sans doute, c'était la décision de l'Archevêque. Le mot sur la porte de l'église signifiait d'ailleurs :

« En raison du manque de fréquentation de notre paroisse, suite au décès de Monsieur le curé Bulot, nous ne remplacerons pas ce dernier. Les fidèles pourront toujours se recueillir auprès des nombreuses sépultures qui garnissent votre joli petit village. Vous serez chaleureusement accueillis dans la paroisse voisine à Saint-Pieu. Merci de votre compréhension. »

LE DOCTEUR GEORGEWhere stories live. Discover now