1

18 2 0
                                    

L’air frais de Séoul s’infiltrait dans chaque recoin de son être, une sensation à la fois étrangère et familière. Jungkook s’était toujours imaginé que la capitale aurait un parfum différent, une intensité plus forte, comme s’il franchissait un seuil invisible entre sa vie d’avant et celle qu’il espérait commencer ici. Mais alors qu’il sortait du train, avec son sac sur l’épaule et son cœur battant de manière irrégulière, il fut d’abord frappé par l’immensité du hall de la gare. Les visages, les bruits, les lumières… tout semblait l’écraser, comme si la ville elle-même voulait tester sa détermination dès son arrivée.

Il s’immobilisa un instant, le souffle court, essayant d’ignorer la boule de peur qui se formait dans son estomac. Avait-il fait le bon choix ? Séoul, ce n’était pas un projet anodin, un simple caprice. Il avait quitté son ancienne vie, ses amis — enfin, ce qu’il en restait — et une certaine sécurité pour s’aventurer dans l’inconnu. Mais qu’avait-il vraiment laissé derrière lui ? Une adolescence marquée par l’isolement, des murs silencieux, des souvenirs qu’il voulait enterrer à tout prix.

En se fondant dans la foule, il sentit son cœur s’alléger un peu. Ici, il n’était personne, un simple inconnu parmi tant d’autres. Peut-être qu’enfin, il pourrait être lui-même, sans craindre les regards, sans avoir à s’inquiéter de son image. Mais l’idée d’une liberté totale le déstabilisait tout autant qu’elle l’intriguait. Jungkook avait appris à vivre derrière des barrières, à s’enfermer dans une coquille pour éviter d'être blessé. Et aujourd'hui, il était ici, dans cette ville immense, avec l’impression de porter un masque, sans vraiment savoir ce qu'il cachait encore.

Il fit quelques pas hésitants, passant la porte de la gare pour se retrouver dans la ville, réelle, palpable, autour de lui. Séoul s’étalait devant ses yeux avec ses gratte-ciels étincelants, ses rues bondées et ses passants qui semblaient tous absorbés dans leurs vies trépidantes. Jungkook leva les yeux vers les bâtiments qui s’élevaient comme des géants silencieux au-dessus de lui. L’air avait une odeur étrange, mêlant le parfum des échoppes de rue, la chaleur de l’asphalte, et quelque chose de métallique qu’il n’arrivait pas à identifier. Il ne put s’empêcher de ressentir un vertige, comme s’il venait de pénétrer dans un monde totalement différent de celui qu’il avait connu jusqu’ici.

À cet instant, un souvenir fugace traversa son esprit. Il se revoyait, adolescent, caché dans un coin de la cour de son lycée, observant les autres sans oser s’approcher. Il n’avait jamais été un garçon sociable, et ce n’était pas faute d’avoir essayé. Il se souvenait des regards appuyés, des murmures qui le suivaient dans les couloirs, ces mots jetés avec cruauté par des voix anonymes mais qui résonnaient encore dans sa tête. « Différent », « bizarre »… Il avait entendu ces mots des dizaines de fois, et il avait fini par les accepter, les intégrer comme une partie de lui-même.

Mais à Séoul, il espérait pouvoir tourner cette page, enterrer ces vieilles douleurs pour de bon. Ici, personne ne le connaissait. Il n’avait pas besoin de se cacher, de baisser la tête, de se tenir en retrait pour éviter d’être remarqué. Peut-être que cette ville, avec sa frénésie et son indifférence apparente, lui donnerait la chance de renaître. Pourtant, une part de lui demeurait sceptique, comme si elle lui murmurait que, où qu’il aille, il resterait le même garçon meurtri, traînant ses souvenirs comme une ombre inséparable.

Il longea les rues animées de Hongdae, l’un des quartiers les plus vibrants de Séoul, célèbre pour ses artistes de rue, ses cafés pittoresques et son énergie nocturne. Tout ici semblait bouillonner de vie, et cela le déstabilisait. Lui qui avait toujours cherché la tranquillité se retrouvait maintenant dans un lieu où la solitude semblait impossible, comme si la ville elle-même refusait de laisser quiconque s’échapper à son tourbillon.

Il s’arrêta finalement devant un petit café. La devanture, simple et discrète, tranchait avec les enseignes lumineuses des bâtiments voisins. Quelque chose dans cette simplicité lui donna envie d’entrer, d’échapper quelques instants au bruit et à l’agitation de la rue. La clochette tinta lorsqu’il poussa la porte, et une douce odeur de café enveloppa immédiatement ses sens. À l’intérieur, l’atmosphère était feutrée, intime, presque rassurante.

Il choisit une table près de la fenêtre, d’où il pouvait observer la rue sans être vu. Un serveur lui apporta rapidement un café noir, et Jungkook le remercia d’un signe de tête, appréciant le calme qui l’entourait. Le contraste entre l’agitation extérieure et cette bulle de tranquillité l’aida à retrouver un semblant de sérénité.

Il posa son sac sur la chaise en face de lui et sortit un carnet de cuir, usé par les années. Ce carnet était son plus fidèle compagnon, celui avec qui il partageait ses pensées les plus intimes, ses douleurs, ses espoirs et ses craintes. Chaque page portait des fragments de lui-même, des mots écrits dans la solitude de sa chambre, des mots qu’il n’avait jamais partagés avec personne. Il ouvrit le carnet à une page vierge, laissant le stylo effleurer le papier sans écrire.

*Je suis ici. Je suis enfin parti. Mais je ne sais pas encore ce que je cherche.*

Il s’interrompit, fixant ces mots comme s’ils allaient lui donner des réponses. Mais le vide demeurait, cette impression d’être en suspens, entre deux vies, entre deux versions de lui-même. Il prit une gorgée de café, le liquide amer le ramenant à la réalité. Ses yeux se posèrent à nouveau sur la rue, où des groupes de jeunes riaient et discutaient en toute insouciance. Il les observait avec une sorte de mélancolie, se demandant s’il pourrait un jour ressentir cette légèreté, s’il pourrait un jour se joindre à eux sans se sentir étranger.

Perdu dans ses pensées, il fut soudain interrompu par une mélodie. Douce, mélancolique, elle émanait d’une guitare, jouée quelque part dans la rue. Il chercha du regard le musicien, apercevant à peine sa silhouette à travers la fenêtre du café. La musique flottait dans l’air, résonnant comme un murmure, comme un écho de ses propres pensées. Il se laissa emporter par les accords, chaque note lui rappelant des souvenirs enfouis, des émotions qu’il avait tenté d’étouffer.

Il ferma les yeux, se concentrant sur la mélodie. La guitare racontait une histoire, une histoire de solitude et de douleur, mais aussi d’espoir, comme si chaque note murmurait qu’il n’était pas seul dans son tourment. Cette musique, pourtant si simple, avait un pouvoir étrange sur lui, pénétrant ses défenses, éveillant en lui un sentiment qu’il croyait perdu. C’était comme si quelqu’un, là dehors, comprenait ce qu’il ressentait.

Il ouvrit les yeux, un soupir s’échappant de ses lèvres. Il aurait voulu s’approcher, voir le visage de ce musicien qui jouait avec une telle intensité, mais quelque chose le retint. Peut-être la peur d’être déçu, peut-être la peur de briser cette bulle fragile de réconfort.

Réecrire nos Destins. (Vkook) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant