Chapitre 10 : À quel point voulez-vous lui déplaire ?

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Gabrielle

Des coups frappés contre la porte de sa chambre tirèrent Gabrielle de sa rêverie. Étendue sur son lit, elle caressait pensivement Newton, lequel, occupé à pétrir avec ardeur une épaisse pièce de tissu crème, ronronnait de bonheur.

Hier, vers dix heures, des roses d'un blanc virginal étaient arrivées. Ce matin, il s'agissait d'une gerbe composée d'une multitude de fleurs immaculées piquées de quelques centaurées bleues. La baronne, quant à elle, s'était vu offrir des lys. Ces attentions dureraient jusqu'au mariage, ainsi que le voulait la tradition. La veille des fiançailles, le prétendant faisait parvenir un bouquet à la jeune fille et le lendemain le fiancé et ses parents dînaient chez la belle-famille.

Ainsi, ce soir, son union future avec Iris serait officielle, comme le lui avait confirmé sa mère la veille. Depuis lors, une sourde colère crépitait au creux du ventre de Gabrielle.

— Entrez.

La poignée en porcelaine couina tandis qu'Emma la tournait avant de pénétrer dans la pièce.

— Mademoiselle, la salua-t-elle avec enthousiasme.

Gaby répondit sans entrain à sa politesse. Elle se sentait comme la flamme d'une bougie sur le point de mourir.

— Allons, allons, redressez-vous, nous... Mais qu'est-ce que...

La voix d'Emma s'étrangla et son visage refléta l'horreur de sa vision. Newton, les yeux papillonnants de bonheur, l'observait avec béatitude, confortablement installé sur la robe de soie crème qu'il pétrissait avec dévotion quelques instants auparavant.

— Oh seigneur ! Mademoiselle, votre chat... La toilette...

Gabrielle, décidée à ne pas pousser l'outrage trop loin, fit mine de découvrir la présence de Newton tandis que la femme de chambre, pétrifiée, n'osait agir. Elle craignait autant de heurter Gaby en chassant son chat que de devoir rendre des comptes à la baronne sur l'état de la robe, commandée pour l'occasion.

Avec douceur, Gabrielle cueillit le petit félin noir, qu'elle déposa sur son oreiller, puis rejoignit Emma occupée à constater les dégâts.

— Ouf, souffla-t-elle, rien d'irréparable...

Agitée, elle se mit à épousseter le tissu afin d'enlever tous les poils, récupéra une épingle à la hâte, puis rentra minutieusement les fils tirés.

Quelques minutes plus tard, la toilette avait retrouvé toute sa superbe, au grand désespoir de Gaby qui avait prié pour que la tentative de sabotage de Newton suffise à repousser le dîner. Le soulagement se peignait à présent sur le visage de la femme de chambre et sa bonne humeur avait reparu.

Gabrielle – dont le but n'avait pas été de malmener Emma – songea que cette dernière ne méritait pas davantage de tourments et s'abandonna entre ses doigts.

Toilette d'après-midi, cache-corset, corset, chemise, tournure, pantalon, jupons, bas, tout fut retiré. Emma l'aida à se rafraîchir après quoi, elle récupéra la montagne de linges de corps propres qu'elle avait préparée une heure auparavant.

Gabrielle, avec plus que jamais la sensation d'être une poupée entre les mains d'une autre personne, se laissa habiller contre son gré. Elle détestait devoir se mettre nue devant Emma, devoir partager une intimité qu'elle ne désirait pas. Elle aurait voulu se charger de certaines tâches seule et n'être assistée que pour lacer son corset et arranger sa toilette. Mais c'était ainsi dans les grandes maisons et elle n'avait pas son mot à dire...

IrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant