11. Trêve et repas

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24 décembre, 21h25 - Cléo

— Un randonneur qui a été pris de court par la tempête, me répond Johan.

Pauvre de lui...

Entre la tension qui règne en bas et la tornade dehors, à choisir je préfèrerais aussi être coincée dans les Vosges.

— Descendons, décrété-je.

Lorsque je me lève, la couverture qu'il a posé sur moi pour me réchauffer tombe au sol et je me contente de l'enjamber. Je me sens mal d'être aussi peu reconnaissante de sa prévenance, mais je n'arrive pas à faire semblant. Je suis paniquée.

Paniquée à l'idée d'être encore prise pour une conne. Paniquée qu'il fasse comme Maxime.

— Tu es sûre ?

— Quel autre choix j'ai ? Je ne suis pas impolie, je ne vais pas rester dans cette chambre jusqu'à ce qu'on parte...

— T'es vraiment courageuse et mature, mon cœur.

C'est le mien qui se serre à ce surnom, si tendre, si doux, à l'image d'un « nous » que je voudrais tellement garder en vie. Mais un « nous » plus que fragilisé, en quelques heures.

Comme si je ne savais pas déjà qu'il suffit d'une autre femme pour briser tout l'avenir qu'on se forge mentalement.

Je n'ai aucune envie de recommencer tout à zéro avec quelqu'un d'autre. Je n'ai aucune envie de descendre et que mon ex et sa pouf comprennent que Johan et moi, ça n'ira pas plus loin.

Parce qu'il a raison, si je ne lui voue pas une confiance aveugle, à quoi bon ?

J'enrage de satisfaire toutes celles qui rêvent de lui (re)mettre le grapin dessus. Je meurs de ne pas avoir le couple solide qui leur aurait rabattu le caquet, à tous. Je me suis affichée avec lui, j'ai parlé de lui à tout le monde, il a même rencontré mes amis.

Mais est-ce que ça doit me pousser à rester ? Ma peur d'être jugée si on rompt, mon impression d'échec et mon angoisse du « qu'en dira-t-on ? » sont-elles valables pour continuer dans une situation où je ne suis pas à l'aise ?

En soi, ce n'est rien. Ça prend juste des proportions folles parce que je me sens humiliée par la petite amie de mon ex, qui jubile de me torturer.

Mais je ne veux pas renier cette émotion d'incertitude mêlée d'inquiétude et il est légitime que je me pose des questions. Johan est beau, les risques qu'il me trompe sont décuplés.

Puis-je être assez naïve pour croire que cette fois, ça n'arrivera pas ? Que c'est le bon, et que le bon ne me fera jamais subir ça ?

Sans m'en rendre compte, nous sommes déjà de retour au salon, lieu de tous les drames.

J'enfile mon plus faux masque social en arborant un sourire confiant, même si mes pieds sont congelés et à l'étroit dans mes talons, et que ma chair de poule se voit à travers mon collant. Johan cale sa large main dans le creux de mes reins et lance fièrement :

— Basile, je te présente ma compagne, Cléo.

Personne ne le notera, mais j'ai perçu les tremblements dans sa voix.

Je ne douterai jamais du fait qu'il m'aime. L'amour suffira-t-il ?

Le nouveau protagoniste de la soirée me tend sa main anguleuse :

— Enchanté ! Vous avez de magnifiques yeux !

Les coins de mes lèvres se réhaussent avec sincérité, cette fois.

À mes ToujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant