10. Petit comité

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24 décembre, 21h - Johan

Je me dirige vers le hall à contre-cœur. Je déteste l'idée de laisser Cléo sur ça, et avec Julie.

Le sifflement du vent s'infiltre dans mes tympans mais je frémis pour une toute autre raison : sentir Cléo se fermer et éviter mon regard, ça m'a fait l'effet d'une autopsie. J'aimerais bien savoir à quoi mon imbécile de cousine joue et pourquoi elle fait des tonnes d'une entrevue insignifiante.

Je sens que ça va me causer des ennuis.

Sofia n'a été qu'un plan cul régulier, elle ne représente rien pour moi. Oui, elle a mal vécu que je coupe court, comme d'autres avant elle. Oui, elle n'abandonne pas l'espoir qu'il se passe quelque chose de plus sérieux entre nous. Ou même juste de m'avoir encore dans son lit. Oui, c'est flatteur. Comme ça l'était pour les précédentes, jusqu'à ce que leur obsession se transforme en harcèlement, en filature, en scène sur le parking de mon boulot.

Grâce à nos discussions sur comment l'être humain fonctionne, et tout ce que Cléo m'apprend, je commence à comprendre pourquoi j'ai toujours attiré des filles possessives, torturées ou à la limite de la démence. Et Cléo est justement la première à déroger à cette malédiction. Quiconque croit que je gâcherais notre relation est terriblement bête.

Cléo est saine, malgré l'enfer qu'on lui a fait vivre. L'enfer dont deux personnes ici, sous le même toit, sont responsables et mériteraient de payer pour ça. Deux personnes que je me retiens d'enfoncer plus bas que terre.

Quelle ironie, c'est celle qui a été leur victime qui me supplierait de ne pas me transformer en bourreau.

Et ce n'est que pour être à la hauteur de sa bienveillance que je retiens mes poings et mes remarques.

Mais pour combien de temps, si Julie s'amuse de la situation ? Elle se croit peut-être intouchable, mais je me ferai un malin plaisir de lui rappeler qu'elle en est loin.

Distrait, j'oublie toute prudence en ouvrant en grand la porte d'entrée, persuadé qu'il s'agit des équipes de surveillance, et écarquille -autant que c'est possible- mes yeux en découvrant un mec de trente piges, de taille moyenne, à moitié bleu, avec une dégaine de cycliste mais un sac de bivouac. Ses sourcils et la pointe de ses cheveux blonds bouclés sont gelés, son écharpe verte est trop fine pour protéger son menton glabre en pointe, ses maigres genoux s'entrechoquent au rythme de ses dents.

Un promeneur du dimanche perdu, presque transformé en glaçon...

Derrière lui, les nuages se sont agglutinés, d'un gris à faire des cauchemars, et les arbres grincent. Autant que les semelles absolument pas adaptées qu'il porte, qu'il doit taper au sol. Et pour cause : la neige a commencé à recouvrir le moindre recoin et j'enrage que nous ayions loupé le début du spectacle, à cause de tensions malvenues !

— Tout va bien ? je m'enquiers.

— Pas vraiment ! Je randonnais et la météo a brusquement changé. Vous êtes la première habitation occupée à plusieurs kilomètres à la ronde.

Ah, le prix de la tranquillité...

— Entrez. Vous êtes seul ?

Il acquiesce, soulagé de regagner un intérieur. Moi, je le suis de fermer la porte. En quelques secondes, j'ai perdu toute chaleur en moi.

Même si le processus a commencé dans le salon, à la tentative destructrice de Julie pour fragiliser mon couple.

— Est-ce que quelqu'un vous cherche ?

— J'en sais rien..., admet l'inconnu.

Ai-je fait entrer un fou dans le chalet familial ?

Peut-on faire pire, au fond, qu'avoir réuni deux ex sous le même toit ?

À mes ToujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant