3 semaines plus tôt - Johan
— Jo ?
J'arque un sourcil.
— Décroche un peu de ton tél ! me charrie Thomas.
Je relève les yeux de ma conversation avec Cléo, avise le club dont je faisais abstraction les dernières minutes. Une masse difforme de jeunes – incluant une bonne tripotée de mineurs – s'agite sur des airs « tendance ».
Les boîtes de nuit ont été à la fois mon terrain de chasse et mon lieu d'apprentissage pour amadouer cette anxiété que je cache si bien derrière une apparence impeccable et une attitude nonchalante. Mais ça n'efface pas ma tension à être étouffé par d'autres personnes, dans un lieu clos où je me sens suffisamment différent par ma taille. Je continue ces sorties uniquement pour les potes, célibataires endurcis, par peur de les perdre sinon, ou dans l'espoir de leur trouver une fille bien.
Est-ce le bon endroit pour chercher ? C'est discutable.
Je ne passe même pas un si bon moment.
Parler à Cléo, ou juste parfois penser à elle, ça suffit à m'apaiser, au milieu des foules ou dans les transports en commun. Et à me rendre insensible aux yeux de biches que me fait la blonde aux jambes interminables à ma droite.
— Je commence à fatiguer, expliqué-je fort en me penchant vers Thomas.
— Ah non mec, tu nous lâches pas déjà ! râle Sofiane, le dernier du trio.
— Je vais au spa demain, j'ai envie d'être en forme !
— Avec combien de meufs ? se gausse Sofiane.
J'ai été jusqu'à présent plutôt discret sur ma relation. Discret dans le sens évasif, car les deux voient bien que je suis collé à mon portable, à attendre patiemment ses notifications...
— Une seule, réponds-je. Mais elle en vaut dix.
Sofiane se gratte sa barbe noire, puis son dégradé de footballer. De trois ans mon aîné, ce n'est pas un exemple de gentleman, mais de camarade de lycée il est resté l'un de mes plus loyaux amis. Je déteste qu'il soit un tel con avec les femmes, ce qui a malheureusement pu m'influencer par le passé... je le lâcherai pas pour autant. Bien qu'il me rappelle encore une fois pourquoi je ne lui parle jamais de mes sentiments :
— T'emmerde pas avec une seule. T'es jeune, profite !
Objectivement, dois-je sincèrement écouter les conseils d'un solitaire malheureux en amour et misogyne ?
— J'suis pas d'accord ! s'oppose Thomas, le romantique au cœur brisé. Les filles « bien », ça court pas les rues. Si elle est fidèle, qu'elle te fait pas la misère, qu'elle gagne son propre argent et qu'elle a des projets, surtout commets pas l'erreur de la laisser filer !
Voilà déjà plus un avis qui colle au mien.
Sofiane lève les yeux au ciel et repart danser, roulant les épaules pour se faufiler au milieu d'un groupe de fêtardes déguisées à l'occasion d'un EVJF.
Thomas finit son verre d'une traite puis me réconforte d'une tape dans le dos :
— Fais comme tu le sens mec, je gère Sof' pour la fin de soirée.
Je coupe la poire en deux :
— Une heure encore.
***
En sortant du taxi qui me ramène sain et sauf -et ivre- chez moi, je m'empresse d'écrire à Cléo, qui semble dormir déjà, que je suis bien rentré. En preuve, je lui envoie une photo de ma tête, bien éméchée, devant ma porte d'entrée. J'ai légèrement tardé avec les copains mais je serai en forme pour notre programme du lendemain, j'y mets un point d'honneur.
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À mes Toujours
RomanceLa plus triste des séparations n'est que le début du chemin vers la plus belle des rencontres. - Victor Hugo Aigrie par sa rupture et l'année et demi écoulée à enchaîner les rencards, tous plus foireux les uns que les autres, Cléo espère bien passer...
