Elira
Le lendemain matin, je suis réveillée par le bruit strident du sifflet. Comme d'habitude. Mais cette fois, la fatigue ne vient pas seulement du sommeil agité ou du lit inconfortable. Mon corps me rappelle brutalement la bagarre de la veille. Mes bras et mes épaules sont endoloris, et ma lèvre me picote légèrement.
Je me redresse sur le matelas, clignant des yeux pour chasser le brouillard de mes pensées. Le souvenir de Sara, de ses insultes, et surtout d'Ali, revient en force. Ses mots résonnent encore dans ma tête. "Tu es meilleure que ça." Une part de moi voudrait croire qu'il a raison, mais l'autre... l'autre sait combien il est facile de se laisser consumer par la colère ici.
Je m'étire lentement et me prépare, enfilant mon uniforme orange qui semble peser encore plus lourd aujourd'hui. Les autres détenues commencent à s'agiter dans le couloir. Je les entends murmurer, rire, certaines criant à travers les barreaux. Mais je n'ai aucune envie de parler à qui que ce soit.
En sortant de ma cellule, j'évite soigneusement les regards. Mes yeux cherchent Sara, presque par réflexe, mais elle n'est pas là. Peut-être qu'ils l'ont mise en isolement. Tant mieux. Je n'ai pas envie de la revoir aujourd'hui.
Je descends avec les autres pour le petit-déjeuner, la routine habituelle qui me permet, paradoxalement, de rester ancrée. Le bruit ambiant, les plateaux qu'on empile, l'odeur fade de la nourriture... tout ça crée un voile derrière lequel je peux me cacher.
Mais dès que je passe la porte de la cafétéria, je le vois. Ali.
Il est là, debout près de l'entrée, ses bras croisés, ses yeux scannant la pièce. Mon cœur rate un battement, mais je garde la tête baissée et avance vers la file.
Je sens son regard sur moi. Pas de doute. Je ne lève pas les yeux, mais je sais qu'il m'observe. Est-ce qu'il va venir me parler ? Me réprimander encore ? Mon estomac se noue à cette pensée.
Une fois mon plateau rempli, je cherche une table vide. Ce n'est pas difficile. La plupart des autres filles m'évitent depuis la veille. Probablement qu'elles ne veulent pas se retrouver mêlées à ce qu'il s'est passé avec Sara. Je m'assieds seule dans un coin, essayant de manger malgré le nœud qui m'étouffe.
Et puis, je l'entends.
— Elira.
Sa voix est basse, mais ferme. Elle me fait lever les yeux malgré moi. Ali est là, debout devant ma table.
— On peut parler ?
Je déglutis difficilement. Tout le monde regarde. Je sens les murmures commencer à se propager autour de nous. Mais je hoche la tête, incapable de dire non.
Il me fait signe de le suivre, et je me lève, laissant mon plateau derrière moi. Mes jambes semblent lourdes alors que je le suis hors de la cafétéria, dans un couloir plus calme.
Il s'arrête et se tourne vers moi, ses bras croisés. Ses yeux me scrutent avec une intensité qui me met mal à l'aise.
— Tu vas me dire ce qui t'est passé par la tête hier ?
Je baisse les yeux, fixant mes chaussures.
— Elle l'a cherché, murmuré-je.
— Ce n'est pas une excuse, réplique-t-il, sa voix tranchante. Tu sais ce qui aurait pu se passer ? Tu aurais pu te retrouver en isolement. Ou pire.
Je serre les poings, sentant la colère remonter, mais cette fois contre moi-même.
— Tu crois que c'est facile ? demandé-je, ma voix plus forte que je ne l'avais prévu. Tu crois que c'est simple d'ignorer ça tous les jours ? Les insultes, les regards, tout ça ?
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Elira -Cœur en Cavale
RomanceElira a tout perdu. Après avoir commis un crime irréparable, elle est arrêtée et condamnée à purger sa peine dans une prison pour femmes. Alors qu'elle essaie de survivre dans ce monde hostile, elle fait la rencontre d'Ali, un gardien à la présence...