Elira -Cœur en Cavale

Chapitre 2

Bureau de mon avocat 6h23 du matin

Le lendemain de mon arrestation, le soleil perce à peine à travers la petite fenêtre du bureau d'Andrick, un mince filet de lumière tombant sur les papiers éparpillés sur son bureau. Je m'assois en silence, mes mains croisées sur mes genoux, me sentant étrangement vulnérable, comme une enfant perdue dans un monde d'adultes où je n'ai jamais vraiment su trouver ma place. Tout est trop froid, trop net ici, bien loin des souvenirs chaleureux que j'associe à Andrick, cet homme qui a toujours veillé sur moi comme si j'étais sa propre fille.

Andrick se tient debout près de la fenêtre, les bras croisés, le regard tourné vers le dehors, mais je sais qu'il est en réalité plongé dans ses pensées, cherchant peut-être les bons mots pour cette conversation que je redoute autant que lui. Il est grand, sa silhouette imposante pourtant adoucie par la chaleur que je ressens toujours dans ses yeux quand il me regarde. Ses cheveux gris coupés courts encadrent son visage marqué par les années et par les épreuves de la vie. Il porte une chemise bleue légèrement froissée, et je devine qu'il a passé la nuit à chercher des solutions pour moi, pour ce que je suis devenue.

Il finit par se retourner et me fixe avec ce regard pénétrant, à la fois grave et tendre. Le voir là, debout devant moi, me ramène en arrière, à tous ces souvenirs d'enfance où il passait à la maison, où il venait boire un café avec ma mère, sa meilleure amie. Quand maman est morte, Andrick est resté, il a comblé une partie du vide qu'elle avait laissé. Il a été là pour mes anniversaires, pour mes premiers échecs, pour mes réussites, pour chaque instant où j'avais besoin d'un soutien silencieux et solide.

-Elira, murmure-t-il enfin, sa voix douce et brisée d'inquiétude, comment en sommes-nous arrivés là ?

Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard. Ma gorge est nouée, mes mots se dérobent, et une honte brûlante monte en moi. Je sens mes yeux se remplir de larmes, mais je les retiens, refusant de paraître plus faible encore.

Andrick soupire, puis vient s'asseoir en face de moi, s'installant avec lenteur comme s'il avait besoin de peser chacun de ses gestes. Ses doigts se posent sur la table, juste à côté des miens, et sa main, chaude et rassurante, se referme doucement sur la mienne. C'est ce simple contact qui fait éclater ma façade. Une larme roule le long de ma joue, que j'essuie rapidement, gênée, mais Andrick me regarde avec cette infinie patience qui m'a tant de fois sauvée.

-Tu peux tout me dire, Elira, dit-il d'une voix douce. Peu importe ce qui s'est passé, peu importe à quel point cela peut paraître irréparable. Je suis là. Je serai toujours là pour toi.

Je serre sa main, tremblante, incapable de prononcer un mot. Comment lui expliquer cette spirale infernale dans laquelle je suis tombée ? Comment lui dire que j'ai tout gâché, que je suis devenue quelqu'un que même moi je ne reconnais plus ?

-Je... Je suis désolée, Andrick, murmuré-je enfin, ma voix étranglée par l'émotion. Je ne sais pas comment tout ça est arrivé... Je n'ai jamais voulu en arriver là, tu sais ? Je n'ai jamais voulu...  Je m'interromps, désemparée, et ma voix s'étouffe dans un sanglot.

Andrick pose une main réconfortante sur mon épaule, me forçant doucement à le regarder dans les yeux. Ses traits sont tirés, et il semble soudain plus âgé, comme si tout ce poids l'affectait presque autant que moi.

-Écoute-moi, Elira, murmure-t-il en pressant légèrement mon épaule. Peu importe les erreurs que tu as commises, peu importe à quel point tout cela semble sombre... Je vais tout faire pour t'aider. Je ne te laisserai pas tomber, tu m'entends ?

Je hoche la tête, les mots me manquent pour exprimer tout ce que je ressens, cette étrange gratitude mêlée de honte. Andrick me regarde comme personne ne l'a jamais fait, avec une tendresse paternelle et une bienveillance qui semblent inébranlables. Dans ce moment, pour la première fois depuis mon arrestation, je sens une minuscule étincelle d'espoir renaître en moi.