Commissariat 23h34
Le néon grésille au-dessus de ma tête, lançant des éclats de lumière froide sur les murs ternes du commissariat. L'air est saturé de l'odeur âcre du désinfectant et de quelque chose de plus lourd, plus moite, qui s'infiltre dans mes poumons comme un poison. J'ai l'impression d'étouffer, mais je reste immobile, figée sur cette chaise métallique qui me brûle la peau malgré le froid qui règne dans la pièce. Les menottes serrent encore mes poignets, laissant une marque rougeâtre sur ma peau. Ce sont des menottes ordinaires, comme celles qu'ils utilisent tous les jours, et pourtant, je les ressens comme une sentence gravée dans ma chair.
Ils m'ont fait attendre ici, seule, sans explication, depuis des heures, ou du moins, c'est ce qu'il me semble. Le temps a cessé d'exister pour moi depuis que la porte de mon appartement a éclaté sous leurs coups, depuis que mes secrets ont été révélés, emportés dans la lumière crue des lampes torches. La voix des policiers résonne encore dans ma tête, leurs injonctions sèches, les bruits de leurs bottes sur le sol, et cette phrase qui m'a glacée : "Vous êtes en état d'arrestation pour meurtre."
Meurtre.
Ce mot continue de résonner en moi comme un coup de marteau. Je n'ai plus d'échappatoire, plus de sortie de secours, plus de mensonge derrière lequel me cacher. Ici, face à ce mur gris, je suis nue, exposée, condamnée. Mes mains tremblent encore, mais je les cache sous la table, tentant de masquer ma faiblesse. Je ne veux pas qu'ils voient ma peur, qu'ils devinent cette terreur qui bat en moi comme un second cœur.
La porte s'ouvre brusquement, me tirant de mes pensées. Un homme entre, son regard perçant me cloue sur place. Il est grand, vêtu d'un costume sombre, ses cheveux poivre et sel impeccablement coiffés. Il porte cette expression froide et détachée des gens habitués à côtoyer les ténèbres des autres. Il s'assoit en face de moi, posant un dossier épais sur la table, le regard planté dans le mien comme s'il cherchait déjà à me disséquer, à comprendre chaque facette de ce que je suis – ou de ce qu'il pense que je suis.
-Elira... dit-il enfin, ma voix résonnant dans le silence.
Je déglutis. Sa voix est douce, mais elle cache une menace, une autorité indiscutable. Il n'a pas besoin d'élever le ton pour que je sente son pouvoir, pour que je comprenne que chaque mot qu'il prononcera pourrait sceller mon sort.
-Tu sais pourquoi tu es ici, n'est-ce pas ? poursuit-il, en penchant légèrement la tête.
Je garde le silence, mes yeux fixés sur mes mains. Le poids de sa question pèse sur mes épaules, mais aucun mot ne semble vouloir sortir. Une part de moi veut crier, protester, se défendre, mais une autre part, plus sombre, me murmure que tout cela est mérité, que je n'ai plus rien à dire.
-Rien à dire ? Sa voix est calme, mais je sens l'impatience se glisser dans ses yeux.
Je relève enfin le regard, rassemblant le peu de courage qu'il me reste.
-À quoi bon ? Vous avez déjà décidé de ce que vous voulez voir, de ce que je suis.Il sourit, mais ce n'est pas un sourire bienveillant.
-Ce n'est pas moi qui ai décidé. Ce sont les preuves, Elira. Et elles ne mentent pas.Les preuves. Mon cœur rate un battement. Ils ont tout, alors. Ils ont trouvé... Je ne sais même pas quoi dire, ni comment expliquer ce qui s'est passé. Peut-être que moi-même, je n'en ai pas encore totalement conscience.
-Parle-moi de ce qui s'est passé, insiste-t-il. Ce sera mieux pour toi si tu dis la vérité.
La vérité... Elle me brûle les lèvres, mais elle me fait peur. C'est comme un poison que je garde en moi, une histoire que je ne suis pas encore prête à affronter. Et pourtant, elle est là, tapie dans l'ombre, prête à m'avaler tout entière. Mon silence l'agace ; je le sens à la tension dans sa mâchoire, au léger tressaillement de ses doigts sur le dossier.
Finalement, il se redresse, soupire, et se penche en avant, me fixant avec une intensité presque insoutenable.
-Écoute, Elira. Nous savons ce que tu as fait. Nous savons pourquoi tu es ici. La seule question qui reste est : jusqu'où es-tu prête à aller pour te racheter ?Je sens quelque chose s'éteindre en moi, comme une dernière flamme qui vacille avant de disparaître. J'ai encore le choix, un semblant de liberté, une chance de me battre. Mais la réalité, brutale et implacable, est là. Il n'y a pas d'échappatoire pour moi, pas de nouvelle vie, pas de nouveau départ. Tout est terminé.
Alors, je me penche en avant, prenant une inspiration tremblante, et je murmure d'une voix presque inaudible :
-Je suis prête à tout vous dire.
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Elira -Cœur en Cavale
RomanceElira a tout perdu. Après avoir commis un crime irréparable, elle est arrêtée et condamnée à purger sa peine dans une prison pour femmes. Alors qu'elle essaie de survivre dans ce monde hostile, elle fait la rencontre d'Ali, un gardien à la présence...