TEXTE 2

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She dies right after the end

(5 pages)

Et la nuit descendit sur la ville, comme la Mort sur la Vie, dans un sinistre crépuscule. Dans un dernier soubresaut, le Soleil sombra à nouveau, pour renaître le lendemain dans un nouvel éclat baigné de douceur dans l'attente des Ténèbres qui reviendraient inlassablement les reprendre d'aube en crépuscule et de crépuscule en aube, dans un cycle mécanique sans fin, dans lequel les rouages bien huilés ne cesseraient jamais de tourner.

Et je me tenais là, devant cette astre, de nouveau mourant, et je me tiendrais là demain aussi, assistant à sa résurrection. Je restais plantée devant l'édifice, squelette d'un passé révolu, dernier vestige d'un temps où ma mémoire refusait de se perdre. Trop de souvenirs douloureux restaient attachés à cet endroit, comme des centaines d'aiguilles plantées à l'intérieur de ma cervelle, massacrant chaque grain de logique pour y faire germer la folie en une plante merveilleuse, enfermée au plus profond de mon être par de longues et noirâtre racines. Devant moi s'étendait mon Enfer Personnel, peuplé de démons vides et creux, fantômes et ombres de mon passé.

Je m'avançais lentement vers ce sinistre Léviathan, traversant la cour où gisaient en tas les cadavres de ses derniers repas: les squelettes des balançoires se mouvaient au gré des vents, les tobbogans se voulaient d'immenses entrailles vides pourissantes à l'air libre. Et si ce n'était le son de mes pas crissant sur le gravier, nul autre signe de vie me parvenait, comme si l'essence vitale de dame nature avait été absorbée par l'énorme bête devant moi.

Mais la Bête ne serait bientôt plus, et à mesure que je me rapprochais de l'effrayante et grotesque créature celle-ci apparaissait sous sa vraie apparence, et le masque tomba. Les fenêtres brisées n'étaient plus que de grands yeux aveugles, d'où les entrailles vides transparessaient et où le vent s'engouffrait au rythme des immenses goulés dont la Bête se nourrissait, dans un souffle rauque. La peinture, elle, retombait, comme de la chaire nécrosée, cloaquée, tombante. Je m'arrêtai devant le palier, affrontant la bouche immense de l'Enfer, deux portes closes par des entraves de bois gonflé par la pluie. Je levai les yeux vers le Ciel, comme pour implorer un Dieu quelconque, mais là n'était pas mon but. Du regard je cherchai le nom de la Bête, ma Bête, à demi-effacé par le temps, inscrit en lettres noires sur son visage comme la marque de Caïn. Et je contemplais son nom à la lueur de la Lune; puis dans un sursaut me revint cette citation, comme une horrible prophétie, "Si tu regardes l'abîme, l'abîme regarde aussi en toi". Un doigt glacée remonta le long de mon dos, et une peur irrationnelle s'empara de moi. Trois mots s'alignaient parfaitement, et ils étaient si anodins, si dénués de sens, si innocents, pris séparements. Assemblés, ils ouvraient le Pandore, et chacun de ses secrets avec eux. "LittleTown Elementary School".

Tout cela était ridicule. Je ne pouvais pas m'arrêter là.

Et le souvenir d'un été me transperça de part en part. Les cris, les enfants, les jeux, la chaleur d'un après-midi de juillet. L'atmosphère se faisait étouffante. Et le monde criait et hurlait, et alors elle hurlait avec lui, en coeur. Il faisait si chaud, ce jour-ci.

Ne te laisse pas aller Sasha.

Respire. Et il la fixait de ses yeux vides videsvidesvidesohmondieunon pasvidevidevide Barbie.

Respire.

Vide.

Respire.

J'avançai une main hésitante vers la porte de bois. La mousse rongeait le battant et les jointures. Je caressai le bois du bout des doigts. Les échardes m'ouvrirent la peau en une miriade d'infimes cicatrices rougeoyantes à la lumière de la Lune. L'infime douleur m'aida à reprendre pied dans la réalité. Une réalité de plus en plus ténue, immatérielle, depuis 98. Depuis lors, tout semblait ancré dans un autre plan de la réalité. Un pied dedans, un pied dehors, et tout se confondait. Je retirai les entraves de la porte facilement, à l'aide de mes mains meurtries. Elles cédèrent dans un craquement sourd, qui résonna un long moment dans la nuit obscure, et je retombai mollement sur mes fesses. Je me relevai doucement. Les portes s'entrouvrirent lentement, dans une plainte sourde et grinçante,

Wattpad Horror Tournament 2015 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant