TEXTE 1

396 21 1
                                    

Video Mortem Circus

(3 pages)

« On raconte qu'il y a bien longtemps, les Forces Obscures créèrent un cirque maléfique, du nom de Video Mortem Circus. On y voyait la Mort en personne, et les enlèvements du Diable lui-même contre les âmes insouciantes et trop curieuses. Les squelettes valsaient, la Mort riait, la foule assoiffée de magie noire accourait. Et puis le Satan, cachée sous une couverture de Monsieur Loyal, faisait claquer son fouet de dompteur. La fumée noyait la foule, et le Démon cueillait les enfants effrayés. Ils les damnaient pour l'éternité, et se régalait de leurs pieds croquants, de leurs yeux globuleux et de leurs âmes sucrées. Les suppôts du Monstre Infernal exécutaient des bons chrétiens et des odieux malfrats, leurs sangs mélangés devant Dieu. On leur traversait la gorge avec des sabres, on leur brûlait les orbites et les jambes, et on finissait par pendre les morceaux restants. Les petits démons hurlaient et crachaient du feu ; et les flammes étaient bleues. La foule en furie sifflait et jetait des pièces à la volée. Le Diable, avec sa peau de crapaud rouge, ses deux cornes de chèvres, ses cheveux tels du crin de cheval, ses yeux de braises jaunes comme des œufs, et ses pattes à la fois griffues et palmées de monstre marin teintées de violet, s'ensevelissait sous l'or et hurlait à la Mort, squelette encapé faucheur de la Désolation Éternelle. Et ses cris faisaient éclater en charpie les oreilles de tous ceux qui les entendaient, tout en les rendant fous.

Le lendemain, une nouvelle foule d'âmes fraîches était là à nouveau, et le jour qui suivait encore une nouvelle.

A cela suivit une époque noire et funeste d'oubli divin ; les âmes en perditions roulaient dans les rues, pourchassées par les esprits voletant. Le Mal régnait.

Aujourd'hui nous les Monstres Infâmes reprenons le flambeau ; nous dégusterons vos âmes et nous vous ferons perdre la raison. Le Mal, le Grand Noir est avec nous. Et vous n'y verrez que du feu ! »

Monsieur Loyal s'inclina, souriant de toutes ses dents pointues vers la foule en délire qui l'acclamait. Tous les amateurs de frisson s'étaient donné le mot.

Son visage était blanc, peint de losanges noirs. Ses yeux jaunes brillaient d'une lueur des plus étranges. Il désignait de sa main tendue les flammes ardentes qui avaient surgi de la scène. Tous l'acclamaient.

« Mesdames et Messieurs, bienvenue au Video Mortem Circus ! »

Toutes les lumières sautèrent. Une minute de silence presque complet, suivie d'un long cri horrible. Des torches s'allumèrent. Le chapiteau était rempli de squelettes. Enfin, d'acteurs déguisés mais qui semblaient réels sous cette mauvaise lumière. Un grand pilier était érigé au centre. Les squelettes rôdaient et soufflaient au visage des spectateurs. Plusieurs basculèrent la tête en arrière avant d'avaler leur sabre. D'autres, portant une lanterne, enflammaient des serpents -en vérité faits de tissu.

Le sol s'ouvrit -une trappe- en deux, et en sortit dans une nuée Monsieur Loyal déguisé en Diable.

« Le Malin ! Le Malin ! », s'écriaient certain squelettes ; « Méphisto Phélès ! », soufflaient les autres ; « Le Satan ! » gémissait les derniers.

Monsieur Loyal fit onduler ses longs doigts griffus, et siffla :

« Que le Spectacle commenssssssssssssssssss ! »

Une musique avait surgi de nulle part, et le Boulanger dansait. Il lança une poudre verte tout en criant : « Video Mortem ! Video et Audit Mortem ! ». Il rit comme un fou d'un rire des plus

démoniaques.

De la même trappe par laquelle il était sortit, surgit une femme maigre et frêle, pratiquement nue. Le Monstre Infernal s'en saisit, et l'attacha au poteau.

« Au suplissssssssssssssssssss ! Que la Mort surgissssssssssssssssssss ! »

Dans une danse frénétique, un squelette avec une cape et une faux sortit des ténèbres. Il caressa de son arme le cou et le torse de la femme, qui avait les yeux bandés et la tête haute. Un souffle vert sorti de sa bouche, que Monsieur Loyal avala en poussant des exclamations de délice.

« J'ai encore faim ! Je veux voir la douleur... »

Les squelettes accouraient de toutes parts avec des dizaines d'instruments de torture. On transperça son corps de sabres, on lui brûla les jambes, on lui mordit les pieds, on lui enfonça des clous dans les bras.

Les spectateurs riaient de cette horreur vivante.

« Regarde-toi... » susurra le Diable en ôtant le bandeau qui cachait les yeux de la femme.

Elle se contempla de la tête aux pieds, et, voyant son corps mutilé, elle hurla d'un cri inhumain. Le cri le plus horrible qui soit, long, glaçant, et si... réel.

Tout s'éteignit tout d'un coup. La femme s'était tue ; il était tard, aucun rayon ne filtrait ; les acteurs semblaient avoir disparu.

Et soudain dans un crissement le chapiteau fut envahi de brume et de fumée. On ne discernait même plus son voisin.

Il y eut un nouveau cri. Un cri d'enfant, cette fois. Puis un autre cri, de femme de nouveau :

« Au secours ! Rallumez ! Rallumez ! ».

Les lumières finirent par revenir. Des jongleurs mortels étaient en place pour un nouveau numéro.

« Au secours ! » reprit la femme. « Arrêtez tout ! Mon Jack a disparu ! »

Le spectacle continua. Les hommes jonglaient avec des explosifs en feu et des couteaux.

« Au secours ! »

Monsieur Loyal finit par sortir des coulisses. Les jongleurs s'arrêtèrent.

« Que se passe-t-il, Madame ?

- C'est Jack, je... Oh, Mon Dieu !

- Et bien ?

- Je... je l'ai entendu crier... On l'a emporté pendant qu'il y avait la fumée... mon petit garçon... sept ans à peine. On l'a enlevé ! C'est forcément quelqu'un de la troupe !

- Voyons, Madame...

- Regardez, ici, à sa place ! Du sang ! »

L'homme se pencha, et passa le doigt dans la petite flaque.

« C'est bien du sang », fit-il.

Il se saisit de son micro et cria : « Jack ! Nous cherchons le petit Jack ! ». Pas de réponse.

« Appelez la police ! » hurla la dame.

« Mesdames et Messieurs, nous sommes dans l'impossibilité de continuer le spectacle. Veuillez nous excuser. Vos places vous seront remboursées. »

Dix minutes plus tard, la foule était évacuée, à l'exception de la mère en pleurs. La police arriva.

La femme exposa tout ce qui s'était passé. La police alla inspecter les coulisses. A priori, rien. Ils allaient repartir quand un des hommes repéra un étrange piano. On le fit ouvrir. Un horrible spectacle les attendaient à l'intérieur. Car Jack s'y trouvait bien, la tête arrachée, les os à nu, les membres disloqués. Du sang encore chaud tapissait l'intérieur.

La mère hurla d'une façon inimaginable. La police arrêta toute la troupe pour une mise en garde à vue en attendant le procès. Ils étaient treize en tout.

**

Dans les rues noires et désertes, un quatorzième membre courait. Son maquillage de squelette avait été effacé à la va-vite, sa bouche était encore sanglante.

« Ton âme est délicieuse, petit Jack, dit-il. Le Malin sera content. »

**

L'homme rentra chez lui, dans un microscopique studio d'un quartier mal famé. Il se faufila dans la chambre, dont les murs étaient tapissés de photos de cadavres massacrés. Une montagne de pieds sanglants trônait dans un coin. Il y ajouta le droit de Jack en riant.

« Occidit pueri, Video et Audit Mortem ! » s'écria-t-il. Le règne du Mal arrive. »

Wattpad Horror Tournament 2015 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant