Deux soldats : un guinéen, un français , se retrouvent seuls dans une ruine, à l’aube, après un affrontement.
Le silence est lourd. Une lampe vacille. On entend au loin les corbeaux.
- Ibrahima, soldat guinéen, la trentaine, regard brûlé de colère et de chagrin.
Louis Philippe, jeune soldat français, 20 ans, la mâchoire crispée par le doute et la honte.
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Chapitre I:
IBRAHIMA : Tu sais ce que t’as fait ? Ce n’est pas juste une balle. Ce n’est pas juste un ordre. Tu as tué mon frère. Et avec lui, tu as brisé ce qu’il me restait d’humain.
LOUIS : Je… Je n’ai pas choisi. Je te jure, Ibrahima. On m’a envoyé ici sans comprendre. On m’a dit “civiliser”. On m’a dit “protéger”. Mais tout ce que j’ai fait, c’est détruire.
IBRAHIMA : Tu crois que le pardon efface la poudre ? Que les larmes nettoient le sang ? Tu portes un uniforme, Louis. Tu portes l’Empire, ses chaînes, ses mensonges.
LOUIS : Je le porte, oui. Mais il brûle ma peau. Chaque cri que j’entends me déchire. Et si le pardon ne vient pas… alors qu’il reste la vérité. Je suis coupable. Pas d’être français. Mais d’avoir cru que j’étais du bon côté.
IBRAHIMA(Ibrahima baisse les yeux. Un silence.):
Tu m’as tout volé. Et pourtant… je vois en toi ce que je suis devenu. Un homme qui tue pour survivre. Un homme qui s’égare… et qui ose pleurer.
LOUIS : Alors… Tu me détestes ? Ou tu me vois ?
IBRAHIMA: Je ne sais pas encore. Mais je suis fatigué de haïr.
(Ils se regardent. Longtemps.)
IBRAHIMA: Prends ça. (Il lui tend un collier en bois.) C’était à mon frère. Garde-le. Pas pour te racheter. Pour ne jamais oublier.
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Chapitre II: "La lettre oubliée".
Cette scène se déroule quelques semaines après la rencontre entre Ibrahima et Louis. Les combats ont cessé, mais les cicatrices sont fraîches. Louis, de retour en France, écrit une lettre qu’il n’ose jamais envoyer. Ibrahima, lui, parle à l’esprit de son frère, dans un dialogue silencieux. Les deux voix s’entrelacent.
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LOUIS (lisant sa lettre) :
Ibrahima, Je ne sais pas si tu liras ces mots. Je n’ai jamais eu le courage de les poster. Mais ils me brûlent, alors je les offre au vent.
Depuis que je suis rentré, je vois ton regard partout. Dans les journaux, dans les rues, dans les yeux de ceux qu’on n’a jamais écoutés. Tu m’as fait comprendre… ce que c’est que d’exister en marge. Je ne suis pas revenu en héros. Juste en homme brisé.
IBRAHIMA (regardant les étoiles) : Frère, je te parle dans le silence des cendres. Tu étais mon ombre, ma force, mon repère. Ils t’ont arraché sans raison. Et pourtant, je ne hais plus celui qui a tiré. Je vois en lui le reflet d’un monde qui s’est perdu.
LOUIS : J’ai gardé ton collier près de moi. Quand je le touche, je sens la chaleur de ton frère. Je ne veux pas que ce soit un simple objet… Mais une promesse. Celle de ne plus jamais obéir sans comprendre.
IBRAHIMA : Je continue à marcher sur tes traces. Le sol me parle de toi. Et parfois… je crois entendre ta voix dans le vent. Tu me dis : “Le pardon est une arme , mais elle ne tue personne.”
LOUIS : Je rêve d’une rencontre, un jour, sans fusil. Juste toi et moi, autour du feu. On referait le monde, pas avec des ordres… mais avec des mots.
IBRAHIMA: Et si un jour je te retrouve… Je ne te demanderai pas des excuses. Juste que tu continues à penser à nous. À ceux qu’on ne voit pas, qu’on ne nomme pas… mais qui portent l’Histoire.
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Discours final :
Je ne suis pas venu pour pleurer — mes larmes ont déjà labouré la terre.
Je suis venu pour parler... avec le feu qui reste quand la poudre se tait.
Je suis le fils de ceux qu’on a volés sans demander,
Soldat d’un drapeau qui n’était pas le mien, mais qu’on m’a obligé à porter.
On m’a appris à tirer avant de m’apprendre à rêver —
Et j’ai tiré… sur des gens qui avaient le même prénom que moi.
Ils disaient “civilisation”,
Mais c’est la soumission qu’ils ont semée dans nos saisons.
On a repeint nos douleurs en noms d’avenues,
Et on a souri pour ne pas faire peur, pour être reconnus.
Mais reconnais-tu le sang sur nos pages ?
Les silences complices et les mémoires en cage ?
Je suis ce cri que l’Histoire n’a pas transcrit.
Je suis l’insolence de la vérité qui s’écrit.
J’ai regardé un Français pleurer dans la poussière,
Et j’ai compris que les bourreaux aussi cherchent la lumière.
Alors non — je ne suis pas ici pour diviser,
Mais pour dénoncer… sans adoucir ni maquiller.
Je veux que nos fils aient le droit de dire “je suis né libre”,
Que nos filles aient des voix plus fortes que les livres.
Je veux qu’on parle du passé sans maquillage ni détour,
Car c’est dans la cendre qu’on construit l’amour.
Alors écoute :
Ce n’est pas un discours, c’est une revanche poétique,
Un crachat en rimes sur les lois hypocrites.
C’est l’aveu d’un homme… qui a trop tu pour survivre,
Et qui maintenant, slamme pour faire revivre.
Jeune écrivain Bah Oury Binta 🇬🇳 🇨🇵
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Là où mes mots prennent vie ( Tome 2) .
PoésieBah Oury Binta 🇬🇳🇨🇵 : La confiance, c'est ce ciment invisible. Celui qu'on ne voit pas, mais qui tient tout ensemble. C'est elle qui transforme un groupe en équipe, et une équipe en victoire. Venir ensemble, c'est un commencement. Rester ensemb...
